« J’ai vu arriver dans mon cabinet des parents sains et structurés, victimes de désinformation sur la parentalité positive »

Caroline Goldman, psychologue pour enfants à son domicile, à Montrouge, le 12 novembre 2022.

Il y a huit ans, Caroline Goldman a vu arriver dans ses consultations des enfants « agités » qui ne manquaient pourtant de rien ; des petits « choyés jusqu’à la démesure » mais qui vivaient dans « un manque préoccupant de limites éducatives ». Dans ses podcasts qui l’ont fait connaître (plus d’un million d’écoutes), et dans son dernier ouvrage File dans ta chambre ! (Interéditions, 2020, réédité en avril), la docteure en psychologie dit partager ce constat avec de nombreux professionnels de l’enfance : les troubles du comportement explosent en France, notamment en raison des écueils d’une éducation positive largement relayée dans les médias depuis une dizaine d’années.

Dans un entretien au Monde, elle explique aussi que des enfants « mal limités » peuvent faire l’objet d’un diagnostic erroné de TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) ou de HPI (haut potentiel intellectuel).

On vous définit un peu vite comme « la psy anti-éducation positive ». Pouvez-vous expliquer votre position et votre pensée sur ce courant venu des Etats-Unis ?

Je souscris à tout ce que ce courant a initié au départ pour les besoins de l’enfant. Je suis attachée aux trois volets qu’il intègre : le besoin d’amour des enfants, le besoin d’explication pédagogique face au monde qui les entoure et le besoin de limites éducatives.

Je suis donc en accord avec ce que le monde anglo-saxon a véhiculé de l’éducation positive. L’ennui, c’est sa traduction en France par des spécialistes autoproclamées, la docteure Catherine Gueguen et la psychothérapeute Isabelle Filliozat. Elles se sont approprié la lecture de ce courant de façon tout à fait libre et partielle, en rognant la partie sur les limites éducatives et en affirmant que mettre des limites était néfaste pour les enfants et pouvait créer un traumatisme. Ce qui a eu de vraies conséquences sur les modèles éducatifs contemporains.

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L’éducation bienveillante, ou positive, a-t-elle infusé tant que cela dans les familles françaises ?

Depuis environ huit ans, les acteurs de la pédopsychiatrie (travaillant aussi bien dans les institutions publiques et privées que dans des cabinets) doivent traiter de plus en plus de cas d’enfants avec des troubles du comportement liés à un manque de limites éducatives. Quelque 350 professionnels de l’enfance ont d’ailleurs dénoncé en octobre 2022, dans une tribune collective parue dans Le Figaro, la dérive de la parentalité « exclusivement » positive.

Je partage ce constat. J’ai vu arriver ces dernières années dans mon cabinet des parents formidables, sains, bien structurés avec de très bons réflexes éducatifs, mais qui ont été victimes de cette désinformation sur la parentalité positive et bienveillante. Il y a quatre ans, j’ai compris que je passais l’essentiel de mes journées à partager la feuille de route que j’avais conçue pour ce type de troubles, avec les exemples de transgressions infantiles à interdire et la manière dont il faut réagir. J’ai alors décidé de partir en « croisade » contre cette désinformation médiatique dont sont victimes les parents en France.

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