On compte plusieurs milliers de Rwandais en République centrafricaine (RCA), dont une bonne partie dans la capitale, Bangui, mais on ne les voit guère. « Ils sont très discrets et vivent en cercle fermé », observe un entrepreneur centrafricain. Pourtant, depuis dix ans, le Rwanda est progressivement devenu un acteur de premier plan en RCA, que ce soit au sein de la mission de maintien de la paix de l’ONU, dans l’entourage du président, Faustin-Archange Touadéra, à la tête des antennes locales des organisations internationales (Banque mondiale, Programme des Nations unies pour le développement, Programme alimentaire mondial…) ou dans le domaine économique privé. « A tel point, remarque un ancien ambassadeur européen à Bangui, que l’on se dit que la RCA est une forme de laboratoire de la politique d’influence rwandaise en Afrique. »
Une politique, marque de fabrique du président Kagame, qui a lancé samedi 22 juin sa campagne pour sa réélection – assurée – à un quatrième mandat. Elle lui permet de se rendre incontournable, notamment auprès des Occidentaux. Au Mozambique, l’autre pays africain où les militaires rwandais sont déployés, leurs 2 500 hommes sont chargés de sécuriser le Cabo Delgado (Nord), où se trouve un énorme projet de l’entreprise française TotalEnergies.
En Centrafrique, c’est en 2013 que le Rwanda apparaît pour la première fois sur le devant de la scène. Quelques mois auparavant, les guérilleros de la Séléka, une coalition rebelle majoritairement musulmane, venaient de prendre par la force un pouvoir en déliquescence. Huit cent cinquante militaires des Forces de défense du Rwanda (FDR) avaient débarqué dans la foulée à Bangui, au sein de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) de l’Union africaine qui, l’année suivante, s’est muée en une mission de l’ONU, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (Minusca).
Cette mission de la paix, la plus importante au monde en termes d’effectifs, est devenue progressivement « rwando-dépendante ». Kigali est très largement son premier contributeur de personnels en uniforme. Au 31 mars 2024, le Rwanda fournissait environ 2 100 soldats, 30 officiers d’état-major et plus 700 policiers au sein de la force de police de la Minusca, dirigée depuis 2021 par un commissaire rwandais, Christophe Kabango Bizimungu. Soit, au total, près de 20 % des casques bleus et policiers des Nations unies en RCA. Kigali est par ailleurs le quatrième contributeur au monde des opérations de la paix de l’ONU (derrière le Népal, l’Inde et le Bangladesh).
Il vous reste 73.96% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
