
Le droit d’inventaire est parfois suspecté d’aigreur mais il peut tout aussi bien résonner comme une opération vérité, au son du canon. C’est le cas du rapport de Bruno Sturlèse, président sortant – il a quitté ses fonctions lundi 6 février – de la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR) des témoins, dite des « repentis ». Au terme de deux mandats commencés en 2017, il dresse, dans un document confidentiel dont Le Monde a eu connaissance et qui a été remis, mardi 7 février, aux ministres de l’intérieur, de la justice et à des responsables de la lutte contre le crime organisé, un portrait au vitriol d’un dispositif qu’il décrit dans « un état de crise existentielle ». Il plaide pour « une réappropriation politique et une refonte globale du dispositif afin de ne pas se trouver désarmé face au défi majeur de la lutte contre les dérives mafieuses ».
Cette commission « repentis » devait être le fer de lance du combat contre le crime organisé en offrant un « outil vertueux et exceptionnel d’efficacité », écrit le président sortant, par ailleurs avocat général à la Cour de cassation. Né de la loi Perben II, votée en 2004, ayant dû attendre 2014 avant d’entrer en vigueur, faute de décret et de financement, ce dispositif est géré par les policiers du service interministériel d’assistance technique (SIAT). Le système prévoit une réduction de peine au terme de la phase de jugement. De quoi rééquilibrer le jeu judiciaire entre un phénomène mafieux sophistiqué et un Etat dont les règles de droit commun étaient inadaptées.
Une cinquantaine de personnes sont aujourd’hui protégées, un chiffre qui comprend les proches. Pour l’heure, la justice n’a vu apparaître de candidats repentis que dans les affaires de trafic de stupéfiants et de règlements de comptes. « Dans tous ces dossiers, leur parole a été déterminante pour initier ou faire progresser de façon décisive les enquêtes », assure M. Sturlèse. Un repenti corse a ainsi permis de faire condamner plusieurs personnes dans un dossier d’assassinat lié à la bande du Petit Bar, pilier du système mafieux insulaire. Aucun témoin protégé, en revanche, dans des enquêtes sur des faits de blanchiment, de corruption, de trafic d’influence ou de fraude fiscale. Pas plus dans les affaires de traite des êtres humains.
« Statu quo politique sur les insuffisances initiales »
Selon le rapport, si des repentis ont fait l’objet de sanctions financières et d’avertissements pouvant aller jusqu’à la résiliation de leur statut à la suite « d’incidents et de manquements graves à leurs engagements », « la protection absolue des bénéficiaires n’a jamais été mise en défaut jusqu’à ce jour ».
Il vous reste 64.49% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.