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« La dégradation des terres se fait à une vitesse inédite en Afrique »

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Le secrétaire exécutif de la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, Ibrahim Thiaw, n’aurait pas dédaigné une atmosphère plus porteuse. Après les conférences décevantes de Cali (Colombie) sur la biodiversité en octobre, puis de Bakou (Azerbaïdjan) sur le climat en novembre, la troisième convention onusienne issue du sommet de Rio, en 1992, se réunit du 2 au 13 décembre à Riyad (Arabie saoudite) avec, comme même objectif, de trouver des financements. Cette fois-ci pour aider les pays les plus vulnérables à se préparer aux sécheresses et à remédier à la dégradation des terres.

Quelle est la principale cause de la dégradation des terres en Afrique ?

En Afrique comme ailleurs, l’agriculture et la déforestation qu’elle engendre est la première cause d’appauvrissement des terres. La destruction des herbages pour étendre les zones cultivées – dans un contexte de forte croissance démographique – y contribue également. L’émergence d’une classe moyenne modifie les habitudes alimentaires et fait naître de nouveaux besoins. La dégradation des terres se fait à une vitesse inédite en Afrique et dans le reste du monde alors que le changement climatique accroît les pressions sur les espaces naturels.

Quelles sont les régions du continent les plus touchées ?

Aucune région n’est épargnée. Même l’Afrique centrale, avec son climat chaud et humide, est concernée. Evidemment, plus on s’éloigne de la ceinture équatoriale, plus la vulnérabilité s’accroît. Les cours d’eau connaissent des périodes d’assèchement de plus en plus fréquentes et il n’est plus rare que des dunes se forment et fassent obstacle à l’écoulement, ce qui entraîne davantage de pertes de terres voire transforme des régions en zones inaccessibles.

Dans des pays tels que la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Nigeria et le Sénégal, les principaux bassins fluviaux s’ensablent et la végétation naturelle, comme les forêts riveraines d’acacia, est engloutie. L’érosion contribue à déplacer le capital semencier du sol et à déraciner les espèces herbacées et ligneuses.

Cette situation a des conséquences sur les superficies de terre encore disponibles dont on dit pourtant que l’Afrique est le plus grand réservoir. Je ne sais pas si cela est encore vrai. Le continent est en train de perdre son capital naturel alors que la population dépend toujours en majorité de la nature pour vivre. Il est choquant de voir que des pays qui étaient des zones agricoles d’exportation sont aujourd’hui assujettis à l’aide alimentaire. Le Zimbabwe a été contraint d’abattre des éléphants pour nourrir sa population.

Qu’attendez-vous de la conférence de Riyad ?

Notre objectif est d’avancer vers la création d’un cadre de réponse aux sécheresses qui permette aux Etats d’anticiper et de préparer les populations. Les systèmes d’alerte comme ceux déjà utilisés par les pays réunis dans le Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel, par exemple, permettent d’avoir des prévisions à six mois. Il est aussi important que ces Etats disposent de semences adaptées à l’évolution du climat.

Les pays les plus pauvres peuvent perdre jusqu’à 10 % du PIB lors des épisodes de sécheresse, sans compter les conséquences sur l’insécurité alimentaire. Leurs populations ne sont couvertes par aucun système d’assurance. Le projet sur lequel nous avons travaillé répond à tous ces volets. Nous avons calculé que 6,4 milliards de dollars [6 milliards d’euros] sur dix ans sont nécessaires pour appuyer les quatre-vingts pays les plus les pauvres ou à revenu intermédiaire, selon la classification de la Banque mondiale. Quarante-cinq sont Africains. L’Arabie saoudite, en tant que pays hôte de la convention, va prendre la tête de cette initiative avec d’autres pays de la région. Les contributions financières seront sur une base volontaire.

La Grande Muraille verte, en proposant de revégétaliser une bande longue de 7 800 kilomètres sur 15 kilomètres de profondeur, était censée apporter une réponse à l’échelle du Sahel, l’initiative progresse-t-elle ?

L’initiative avance plus lentement que nous le souhaiterions et c’est avant tout pour des raisons institutionnelles. Il existe des faiblesses au niveau de certains Etats et de l’Agence panafricaine de coordination. La volonté politique ne fait pas défaut. Je ne connais pas un projet de développement agricole à travers le monde qui couvre un territoire aussi vaste – du Sénégal à Djibouti – et pour lequel les chefs d’Etat se réunissent régulièrement.

On ne peut pas non plus incriminer le manque d’experts techniques ou le manque d’argent, mais les promesses de financement ne peuvent se concrétiser que s’il y a une structure institutionnelle forte et une capacité d’absorption des fonds. Des milliards de dollars ont été promis par les bailleurs étrangers mais chacun a ses règles de décaissement, ses exigences. Face à cela, des pays comme Djibouti ou le Mali n’ont pas les capacités de répondre.

En dehors du Sénégal, toujours cité en exemple, quels autres pays sont parvenus à conduire des programmes de reboisement et de restauration des terres d’envergure ?

Plusieurs pays ont fait des progrès importants, en particulier l’Ethiopie, le Niger et le Nigeria. Ce projet crée de l’émulation. L’Afrique australe est en train d’élaborer sa Grande Muraille verte. Ces pays ont plus de moyens et des institutions plus solides. L’influence dépasse le continent puisqu’un projet financé par l’Arabie saoudite et qui ira du grand Moyen-Orient au Maghreb est sur les rails.

Il demeure important de connecter les corridors restaurés entre les pays mais nous devons aussi admettre que le tracé de la Grande Muraille, tel qu’il avait été conçu, était artificiel et répondait par endroits davantage à des considérations politiques – satisfaire un élu ou un dignitaire – qu’à des justifications environnementales. Cela est en passe d’être corrigé.

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