la Fondation Blachère fête ses 20 ans

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Nichée dans l’ancienne gare de Bonnieux (Vaucluse), au cœur du Luberon, à une quarantaine de kilomètres à l’est d’Avignon, la Fondation Blachère fête ses 20 ans. Dédiée à l’art contemporain d’Afrique, elle est l’émanation de l’entreprise familiale Blachère Illumination : scintillement de la tour Eiffel, lumières de l’avenue des Champs-Elysées et de la Cinquième Avenue à New York pendant les fêtes de Noël, de la tour The Shard et du centre commercial Harrods à Londres, du Yas Mall d’Abou Dhabi aux Emirats arabes unis…

Afin de célébrer cet anniversaire, la Fondation Blachère est revenue aux sources de sa collection : l’Afrique de l’Ouest. C’est en 2001, face aux falaises de Bandiagara du pays dogon (Mali), que Jean-Paul Blachère, créateur de l’entreprise aujourd’hui en retraite, se prend de passion pour le continent, après quelques premiers voyages au Burkina Faso.

Une rencontre avec le sculpteur malien Amahiguéré Dolo s’avère fondatrice. « J’ai été ébahi par sa gentillesse, par son travail, par l’explication de certains mythes dogon. J’étais comme un enfant. Et bien sûr par les lieux. Je mettais enfin un visage sur toutes mes lectures, notamment celles des ouvrages de Marcel Griaule [ethnologue français connu pour ses travaux sur les Dogon] », relate-t-il.

« Dieu le tient debout »

Grâce à son ami ivoirien Yacouba Konaté, conservateur de musée, critique d’art, écrivain et professeur d’université, il rencontre des artistes dans leur quotidien, dans leur atelier, et achète ses premières œuvres : « Au début, je ne collectionnais pas, je donnais. Puis, il y a une quinzaine d’années, j’ai compris qu’il fallait les montrer de façon muséale. »

L’exposition « Bandiagara, au commencement de la collection » met en lumière le travail de 20 artistes du fonds d’œuvres Blachère. Parmi celles exposées, le visiteur pourra admirer l’impressionnant The Fallen Elephant (6 mètres de long), du Sud-Africain Andries Botha, la tapisserie monumentale La Zone des grands lacs (14 mètres de long, 4 mètres de haut), du Malien Abdoulaye Konaté, Le Lanceur zoulou (2,30 mètres de haut) et Le Guerrier debout (2,60 mètres de haut), du Sénégalais Ousmane Sow (1935-2016).

  • Une vue générale de l’exposition : au premier plan, « The Fallen Elephant » d’Andries Botha (sculpture bois, acier, aluminium, 150 x 200 x 600 cm, 2008, Afrique du Sud). Une vue générale de l’exposition : au premier plan, « The Fallen Elephant » d’Andries Botha (sculpture bois, acier, aluminium, 150 x 200 x 600 cm, 2008, Afrique du Sud).

    Une vue générale de l’exposition : au premier plan, « The Fallen Elephant » d’Andries Botha (sculpture bois, acier, aluminium, 150 x 200 x 600 cm, 2008, Afrique du Sud). Odile Pascal

  • Au premier plan à gauche, « La tortue », d’Amahiguéré Dolo (sculpture en bois de platane, 208 x 82 x 82 cm, 2013, Mali). Au premier plan à gauche, « La tortue », d’Amahiguéré Dolo (sculpture en bois de platane, 208 x 82 x 82 cm, 2013, Mali).

    Au premier plan à gauche, « La tortue », d’Amahiguéré Dolo (sculpture en bois de platane, 208 x 82 x 82 cm, 2013, Mali). Odile Pascal

  • « Manningué », d’Amahiguéré Dolo (sculpture en bois, hauteur 65 cm, non datée, Mali) :  « Telle que dans la position fœtale ainsi que celle du mort. » « Manningué », d’Amahiguéré Dolo (sculpture en bois, hauteur 65 cm, non datée, Mali) :  « Telle que dans la position fœtale ainsi que celle du mort. »

    « Manningué », d’Amahiguéré Dolo (sculpture en bois, hauteur 65 cm, non datée, Mali) : « Telle que dans la position fœtale ainsi que celle du mort. » Luc Berthier

  • « Verticalités », d’Amahiguéré Dolo (bois d’ébène, dimensions variables, 2005, Mali). « Verticalités », d’Amahiguéré Dolo (bois d’ébène, dimensions variables, 2005, Mali).

    « Verticalités », d’Amahiguéré Dolo (bois d’ébène, dimensions variables, 2005, Mali). Odile Pascal

  • « Verticalités », d’Amahiguéré Dolo (bois d’ébène, dimensions variables, 2005, Mali). « Verticalités », d’Amahiguéré Dolo (bois d’ébène, dimensions variables, 2005, Mali).

    « Verticalités », d’Amahiguéré Dolo (bois d’ébène, dimensions variables, 2005, Mali). Odile Pascal

  • Au premier plan, la maison du hogon, plus haute autorité spirituelle chez les Dogon (céramique d’Amahiguéré Dolo, 2006, Mali). Au premier plan, la maison du hogon, plus haute autorité spirituelle chez les Dogon (céramique d’Amahiguéré Dolo, 2006, Mali).

    Au premier plan, la maison du hogon, plus haute autorité spirituelle chez les Dogon (céramique d’Amahiguéré Dolo, 2006, Mali). Odile Pascal

  • « Village Bandiagara », d’Amahiguéré Dolo (céramiques, 2005, Mali). « Village Bandiagara », d’Amahiguéré Dolo (céramiques, 2005, Mali).

    « Village Bandiagara », d’Amahiguéré Dolo (céramiques, 2005, Mali). Odile Pascal

  • « Village », d’Amahiguéré Dolo (céramique, 2005, Mali). « Village », d’Amahiguéré Dolo (céramique, 2005, Mali).

    « Village », d’Amahiguéré Dolo (céramique, 2005, Mali). Odile Pascal

  • « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali). « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali).

    « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali). Odile Pascal

  • « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali). « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali).

    « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali). Odile Pascal

  • « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier, 2013, Mali). « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier, 2013, Mali).

    « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier, 2013, Mali). Odile Pascal

  • « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali). « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali).

    « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali). Odile Pascal

  • « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali). « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali).

    « Sans titre », d’Amahiguéré Dolo (dessin sur papier ciment, 2013, Mali). Odile Pascal

  • A partir de la droite : « Pouvoir », « Féminité », « Protection », « Lune », « Soleil », de Jems Robert Kokobi (sculptures bois, dimensions variables, 2007, Côte d’Ivoire), et « Synthèse II », de Souleymane Keïta (peinture sur toile, 2006, Sénégal). A partir de la droite : « Pouvoir », « Féminité », « Protection », « Lune », « Soleil », de Jems Robert Kokobi (sculptures bois, dimensions variables, 2007, Côte d’Ivoire), et « Synthèse II », de Souleymane Keïta (peinture sur toile, 2006, Sénégal).

    A partir de la droite : « Pouvoir », « Féminité », « Protection », « Lune », « Soleil », de Jems Robert Kokobi (sculptures bois, dimensions variables, 2007, Côte d’Ivoire), et « Synthèse II », de Souleymane Keïta (peinture sur toile, 2006, Sénégal). Odile Pascal

  • « Le lanceur zoulou », d’Ousmane Sow (sculpture matériaux divers, 2002, Sénégal). « Le lanceur zoulou », d’Ousmane Sow (sculpture matériaux divers, 2002, Sénégal).

    « Le lanceur zoulou », d’Ousmane Sow (sculpture matériaux divers, 2002, Sénégal). Odile Pascal

  • « La zone des grands lacs », d’Abdoulaye Konaté (tapisserie monumentale, 1 400 x 400 cm, 2005, Mali). « La zone des grands lacs », d’Abdoulaye Konaté (tapisserie monumentale, 1 400 x 400 cm, 2005, Mali).

    « La zone des grands lacs », d’Abdoulaye Konaté (tapisserie monumentale, 1 400 x 400 cm, 2005, Mali). Jérémie Pitot

  • « Masque III », de Kossi Assou (sculpture bois, métal repoussé, clous et résine, 188 x 53 x 10 cm, 2007, Côte d’Ivoire). « Masque III », de Kossi Assou (sculpture bois, métal repoussé, clous et résine, 188 x 53 x 10 cm, 2007, Côte d’Ivoire).

    « Masque III », de Kossi Assou (sculpture bois, métal repoussé, clous et résine, 188 x 53 x 10 cm, 2007, Côte d’Ivoire). Odile Pascal

  • Œuvres de Freddy Tsimba (RDC). Au centre, « Sans titre »  (peinture sur toile, 2007). Autour du tableau, des bronzes de 2005. Œuvres de Freddy Tsimba (RDC). Au centre, « Sans titre »  (peinture sur toile, 2007). Autour du tableau, des bronzes de 2005.

    Œuvres de Freddy Tsimba (RDC). Au centre, « Sans titre » (peinture sur toile, 2007). Autour du tableau, des bronzes de 2005. Odile Pascal

Amahiguéré Dolo (1955-2022) est l’artiste phare de l’événement. « Ama » est le nom du dieu dogon et « Higuéré » signifie « le tient debout ». Ses parents ont perdu plusieurs enfants en bas âge avant que l’artiste survive. Originaire de Sangha, commune malienne située près des falaises de Bandiagara, cœur et haut lieu de la culture du pays dogon (centre du pays), il est issu d’une famille noble. Dès l’âge de 10 ans, il commence à fabriquer des jouets en bois pour lui et ses copains, malgré la réprobation de son père car la caste dont il est issu n’est pas celle des forgerons, seule possédant le pouvoir de travailler le fer, le bois.

Après quatre années d’études à l’Institut national des arts (INA) de Bamako, il sort diplômé en arts plastiques en 1980. Puis il est muté à Gao (nord), à la direction régionale de la jeunesse, des sports, des arts et de la culture, chargé du patrimoine culturel pendant une dizaine d’années. Mais il n’a jamais cessé de sculpter et de forger, empreint de la cosmogonie dogon.

Le galeriste et collectionneur Luc Berthier a bien connu Amahiguéré Dolo : « Il était humble. C’est le premier qualificatif qui me vient. Sans éclat de voix, de caractère, sans mot déplacé. Il était discret et observateur. » En 2021, il a consacré une exposition au sculpteur, malade, comme un « au revoir » avant la fermeture de son espace. Puis germe l’idée d’un atelier de céramique contigu à la maison de Luc Berthier, à Courances (Essonne), afin qu’Amahiguéré Dolo vienne en France et se « requinque », comme ce dernier le disait. Mais il meurt le 21 août 2022, à l’âge de 67 ans, à Bamako.

Doté d’une simple herminette

Le sculpteur avait été initié par les anciens aux forces de la nature, à la puissance de la Terre, aux esprits de sa communauté. On retrouve cette énergie dans ses œuvres. Il redonne vie à des branches, des souches « mortes », doté d’une simple herminette, travaillant les formes originelles du bois et jouant sur les trous, les vides, les pleins, les courbes de la matière.

Du geste de l’artiste émergent des formes humaines esquissées, des bouches grandes ouvertes, des longues jambes émaciées, des yeux parfois clos, des sexes, des bras dressés qui semblent implorer le ciel afin que la pluie puisse féconder la terre. Alors « la semence divine redonne la vie, passant du rouge [latérite] au noir en remontant dans le corps », comme du sang dans l’être humain ébauché, souligne Luc Berthier.

Travaillant dans son atelier de Bandiagara puis de Ségou, face au fleuve Niger, il pouvait échapper aux pressions de sa communauté, lui l’agriculteur devenu sculpteur, peintre et céramiste. Sa route croisera celle du peintre, dessinateur, graveur, sculpteur et céramiste catalan Miquel Barceló, venu chercher de nouvelles inspirations. Après une époque fructueuse commune, « les ambitions de l’un ont pris le dessus et ont plongé Dolo dans une immense déception. Il en parlait très rarement », précise le galeriste et collectionneur.

Un fonds de quelque 2 300 œuvres

Aujourd’hui, c’est Christine Allain-Launay Blachère, fille de Jean-Paul, qui dirige la fondation : « Il n’y a pas de “mécanique” pour choisir telle ou telle œuvre. C’est très instinctif. Ça a d’abord été un instinct de collectionneur à artiste, développé beaucoup par Papa. Moi, j’ai plus une relation à l’œuvre. On fait en sorte qu’elle nous plaise à nous deux. Si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave. On achète quand même. »

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Les thématiques d’intérêt sont différentes entre père et fille. Les matières (le bois, la terre, le fer…) pour le premier. Les scènes de vie, le corps, le brutalisme (mouvement esthétique qui rejette les décorations inutiles et met en valeur les matériaux bruts utilisés notamment dans le monde de l’architecture, surtout dans les années 1950 à 1970) pour la seconde. Deux générations, un homme, une femme, une transmission sans l’être vraiment. Depuis quelques années, les achats dépendent beaucoup des expositions à venir.

Enfin, la Fondation Blachère dispose d’un fonds de quelque 2 300 œuvres. Pour l’événement du moment, le choix de présentation fut d’abord chronologique, en fonction de la date d’acquisition, sans oublier une harmonie de visite dans les matières et les cosmogonies évoquées. Les thèmes suggérés sont douloureux : guerre, fuite, errance, très présentes il y a deux décennies dans l’art contemporain d’Afrique. Aujourd’hui, ces propos n’ont pas disparu.

« Bandiagara, au commencement de la collection », à la Fondation Blachère, ancienne gare de Bonnieux (Vaucluse), jusqu’au 21 septembre 2024.

« Dolo, le Dogon du siècle », beau livre de Luc Berthier et Yves Créhalet (éd. Luc Berthier, 224 pages, 50 euros).

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