La mort de Tom Luddy, éminence grise du Nouvel Hollywood

Tom Luddy, le 11 avril 2013, lors du Roger Ebert Memorial Tribute au Chicago Theatre, à Chicago (Illinois).

Il fut le bras droit de Francis Ford Coppola, le sherpa de Jean-Luc Godard lors des expéditions américaines du réalisateur d’A bout de souffle, un archiviste hors pair, le producteur de Paul Schrader et de Barbet Schroeder et, finalement, le créateur d’un festival au fin fond des montagnes du Colorado, à Telluride, manifestation devenue, au fil des années, l’une des institutions majeures du cinéma américain. Eminence grise du Nouvel Hollywood, Tom Luddy est mort le 13 février, au terme d’une longue maladie, il avait 79 ans.

Né à New York, le 4 juin 1943, Tom Luddy part pour la Californie, où il étudie la physique, puis la littérature, à l’université de Berkeley. Il est surtout le principal animateur des activités cinéphiles sur le campus. Son diplôme en poche, il repart pour la Côte Est, où il s’essaie au métier de distributeur. Mais il regagne vite la baie de San Francisco (Californie), où il se voit confier la Pacific Film Archive, qui est alors un département mineur de Berkeley. Il en fait l’une des premières cinémathèques au monde. Programmant des centaines de films chaque année, il y célèbre aussi bien les étoiles ascendantes, comme Werner Herzog, qui fait ses débuts américains grâce à lui, que les astres alors oubliés, comme Douglas Sirk (1897-1987).

Connaissance encyclopédique

En 1968, il organise une rétrospective Jean-Luc Godard (1930-2022), en présence du cinéaste. C’est le début d’une relation professionnelle qui les conduira jusqu’aux années 1980. Molly Ringwald a décrit, dans un article du New Yorker publié en décembre 2022, comment Tom Luddy avait organisé leur rencontre – elle, la jeune star des comédies adolescentes de John Hughes (1950-2009), et lui, le réalisateur de La Chinoise –, entrevue qui aboutit au casting de Molly Ringwald dans le King Lear (1987), de Godard.

Tom Luddy, homme discret, peu expansif (dans l’hommage qu’elle lui rend sur le site du festival, Julie Huntsinger, l’actuelle directrice de Telluride, parle d’un « sphinx »), est au cœur des révolutions culturelles californiennes. Il se lie d’amitié avec Coppola et George Lucas. On lit, dans un portrait que lui consacre le New York Times en 1984 : « On peut mesurer l’influence de M. Luddy au fait qu’avant le tournage du Parrain [1972], il a montré L’Italien [1915, produit par] Thomas Ince, à Francis Ford Coppola, Les Vitelloni [Federico Fellini, 1953] à George Lucas, qui s’apprêtait à tourner American Graffiti [1973] et La Forteresse cachée [1958], de Kurosawa, avant que Lucas ne s’embarque dans La Guerre des Etoiles [1977]. » En 1978, Tom Luddy fait sa seule apparition à l’écran, dans le remake de L’Invasion des profanateurs, que Philip Kaufman a réalisé dans les rues de San Francisco…

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