« La Petite Fille sous la neige », on achève bien les polars

Miren (Milena Smit) dans la série « La Petite Fille sous la neige », créée par Jesus Mesas et Javier Andres Roig.

Attention, ce texte contient des spoilers.

CHRONIQUE

Après deux ou trois conversations près de la machine à café, on commence à douter. Serait-on la seule à ne pas voir les qualités de La Petite Fille sous la neige, le polar espagnol que notre profil Netflix nous propose avec beaucoup d’insistance avant que nous cédions, suite à des critiques élogieuses ? Serions-nous blasés au point de ne pas croire à cette histoire d’enfant disparue sur fond de réseau pédophile, de ne pas être submergés d’émotion par la douleur de Miren, jeune journaliste traumatisée par une agression sauvage et qui enquêtera sur la fillette pendant près de dix ans ? Bref, aurions-nous un cœur de pierre ?

Difficile à dire, si l’on en croit le peu de remous critiques que la diffusion de la série a suscités. Dans la presse nationale, régionale et culturelle, les articles consacrés à La Petite Fille sous la neige sont moins des évaluations en bonne et due forme que des décryptages du succès rencontré par la série sur la plate-forme, ce qui n’est évidemment pas bon signe quant à la qualité de l’objet en question.

Doit-on pour autant considérer que le public a toujours raison et que si la série cartonne, c’est parce qu’elle est véritablement au-dessus du lot ? Si l’on en croit les capacités de Netflix en matière de polar, non. Entre Mindhunter, The Sinner, ou plus récemment Les Papillons noirs (coproduit avec Arte), voire Dahmer dans un autre genre, la plate-forme a largement démontré sa capacité à ficeler des polars sophistiqués, tant sur le fond que sur la forme, y compris en jouant avec l’appétit du public pour le gore. La sécheresse avec laquelle Mindhunter fut annulée après deux saisons, faute d’audience, contraste avec l’envolée algorithmique de La Petite Fille sous la neige, dont la proposition est immensément plus faible.

Miren (Milena Smit) dans la série « La Petite Fille sous la neige », créée par Jesus Mesas et Javier Andres Roig.

Sur les réseaux sociaux, les internautes se sont amusés à relever une incohérence de la série (une plage présentée comme celle de Malaga, où se déroule la série, est en fait située des dizaines de kilomètres plus loin), mais celle-ci est surtout bourrée d’invraisemblances, et il n’est pas besoin d’être spécialiste pour noter la désinvolture avec laquelle le scénario décrit le travail d’enquête policière ou encore la façon dont les journalistes travaillent au sein d’une rédaction. Entre la fliquette bourrue, son acolyte maladroit, la journaliste à calepin (Milena Smit, vue dans Madres paralelas d’Almodovar) et le rédacteur en chef cynique, aucun des personnages de la série ne dépasse le statut d’archétype. D’autant plus que la volonté louable de faire de Miren l’héroïne de l’enquête ne résiste pas aux stéréotypes imposés par le script : la jeune femme est déterminée, mais elle fait des erreurs et ne réussit à s’imposer que grâce à l’appui d’un mentor, son professeur de journalisme. Et surtout, elle éprouve une compassion excessive (supposément féminine) envers les victimes, qui l’aveugle et l’empêche de se détacher du dossier.

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