
Patrick Coulombel est cofondateur de la fondation Architectes de l’urgence. Cet architecte de 59 ans est intervenu sur le terrain de nombreux séismes ou catastrophes. Il analyse pour Le Monde les conséquences du séisme meurtrier du 6 février qui a détruit de nombreuses villes et villages en Turquie et en Syrie.
Vous préparez-vous à vous rendre sur place dans les zones sinistrées ?
Dès le lendemain de la catastrophe, nous avons fait savoir notre disponibilité pour nous rendre sur place et participer aux évaluations et aux contrôles nécessaires. Contrairement au séisme et au tsunami en Indonésie en 2004 ou au tremblement de terre en Haïti en 2010, où nous avons eu respectivement jusqu’à 800 et 500 personnes sur place, nous n’avons pas d’équipe sur le terrain en Turquie ou en Syrie. Les autorités refusent toute autre aide que des secours pour le sauvetage et le déblaiement, ce que l’on peut comprendre, et acceptent de l’aide humanitaire mais uniquement sous direction de leurs organisations.
Pour notre part, nous avons du matériel à disposition, des bâches pour faire des abris. Et nous sommes prêts à contribuer aux travaux d’évaluation et de mise en sécurité des populations.
Quelles sont, selon vous, les caractéristiques de ce séisme ?
C’est le séisme le plus puissant, de magnitude 7,8, depuis de nombreuses années, en zone fortement peuplée, et de plus un séisme de surface, soit 17,9 kilomètres de profondeur seulement, ce qui accroît les destructions. Je n’ai pas souvenir d’un séisme aussi puissant depuis celui d’août 1999, en Turquie aussi [près d’Izmit, qui avait fait 17 000 morts], dans une zone avec des villes importantes, comme celle de Gaziantep et ses plus de deux millions d’habitants.
Le problème, comme souvent, c’est que la récurrence de phénomènes aussi intenses est très ancienne, le dernier dans cette région datant de cent cinquante et un ans, et qu’il n’existe donc pas de mémoire collective active. Les habitants ne l’ont pas vécu, ni même entendu de récits d’anciens, et ils sont donc moins sous pression, s’inquiétant peu des règles de sécurité.
Le rapport avec la population, sa densité, est très important puisqu’il détermine le nombre de victimes potentielles. Ainsi, le gros séisme auquel les spécialistes s’attendent est situé près de la mer de Marmara. Il aurait des conséquences terribles avec la proximité d’Istanbul, ses plus de quinze millions d’habitants et ses nombreux immeubles ne répondant pas aux normes parasismisques. D’ailleurs, de nombreux habitants d’Istanbul préfèrent quitter leur logement car ils redoutent un prochain tremblement de terre.
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