
L’Assemblée nationale est entrée dans une escalade qu’elle ne parvient pas à freiner. Le quatrième jour d’examen de la réforme des retraites, vendredi 10 février, a été marqué par l’exclusion pour quinze jours de séance du député La France insoumise (LFI) de Seine-Saint-Denis, Thomas Portes.
L’élu francilien, qui se voit aussi privé de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois, a été mis en cause par ses pairs pour avoir publié jeudi soir une photo sur son compte Twitter où il apparaît, écharpe tricolore en bandoulière, le pied sur un ballon à l’effigie du ministre du travail, Olivier Dussopt. Pressé par les groupes de la coalition présidentielle, des Républicains (LR) et du Rassemblement national (RN) de retirer son tweet et de formuler des excuses, M. Portes a refusé de se soumettre à cette demande. « M. Portes, je crois que l’Hémicycle vous demande des excuses », déclare alors la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, depuis le perchoir.
« Je retirerai mon tweet le jour où vous retirerez cette réforme qui va sacrifier des milliers de gens, voilà la réalité ! », a lancé Thomas Portes, provoquant l’indignation dans une Assemblée éruptive. Imperturbable, ce dernier refuse de faire profil bas : « Je ne me coucherai pas devant la bourgeoisie. » A trois reprises, le centre et la droite de l’hémicycle tentent d’interrompre, par des claquements de pupitres et des huées, M. Portes qui s’apprêtait à défendre un amendement.
« Symboliquement foulé aux pieds »
« Aucun nom propre ne mérite d’être sali, aucun visage ne mérite même symboliquement d’être foulé aux pieds », a déploré le député Renaissance du Val-de-Marne, Frédéric Descrozaille. Son homologue Eric Woerth (Renaissance, Oise), qualifie, lui, d’« appel au meurtre » ce cliché. Olivier Dussopt a fait allusion à cette photo en séance, vendredi matin dans un échange houleux avec le député LFI de Loire-Atlantique, Matthias Tavel : « Vous voulez ma tête comme votre collègue, vous voulez continuer dans la violence ? »
Sous la pression de la majorité relative et mise au défi par Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI, Yaël Braun-Pivet convoque finalement un bureau de l’Assemblée nationale vers 17 heures. Lors de ce conclave, les débats s’attardent sur le précédent concernant la liberté d’expression des élus qu’une sanction à l’encontre de M. Portes pourrait engendrer au sein de l’institution.
Deux heures plus tard, les membres du bureau décident de la sanction la plus lourde, qui permet d’écarter M. Portes de l’enceinte de l’hémicycle pour éviter un nouvel enlisement des débats. Cette sanction, prise sur le fondement de l’article 70 du règlement de l’Assemblée qui réprime les « provocations », est ensuite approuvée au cours d’un vote assis-levé par les députés du camp présidentiel, des LR et du RN. La présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, a signifié avoir « demandé qu’il y ait les sanctions les plus hautes (…) pour que des lignes rouges puissent être établies ». « S’il y a eu des gens qui ont mal interprété ou mal vécu [mon tweet], je le regrette évidemment », a réagi Thomas Portes.
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