Chaque vendredi, Le Monde Afrique vous présente trois nouveautés musicales issues ou inspirées du continent. Cette semaine, on s’intéresse à des artistes issus de la grande famille de Nø Førmat !, qui fête ses 20 ans avec un album, un beau livre et une tournée.
Fondé en 2004 par Laurent Bizot, le label français a fait de la rencontre l’un de ses mantras, tout en mettant l’accent sur l’Afrique. L’une de ses premières sorties fut ainsi l’album Toto Bona Lokua (2004), réunissant Gérald Toto, Richard Bona et Lokua Kanza. Suivront, entre autres, Set Luna, de Julia Sarr et Patrice Larose (2005) ; Chamber Music, de Ballaké Sissoko et Vincent Ségal (2009) ; ou encore des albums de Mamani Keïta (2006), Blick Bassy (2015), Oumou Sangaré (2017) et, plus récemment, Urban Village (2021) et Msaki & Tubatsi (2023).
Envisageant « chaque nouveau disque comme un prototype irréductible à tout genre musical assigné d’avance », Nø Førmat ! mise sur l’imprévu et l’alchimie entre artistes afin de faire émerger des créations originales qui, pour la plupart, s’inscriront dans le temps, loin de la standardisation à l’œuvre dans une industrie musicale de plus en plus régie par les lois algorithmiques des plates-formes de streaming. Une démarche portée par un graphisme reconnaissable entre tous et par un modèle économique novateur, à travers un système d’abonnement permettant de recevoir les albums dès leur parution.
Pour célébrer cet anniversaire, le label fera paraître, vendredi 21 juin, l’album Nø Førmat ! Remixed (2004-2024), pour lequel il a demandé à « une nouvelle garde d’artistes aux inspirations électroniques de remixer dix titres emblématiques » de son catalogue. Il publie également un beau livre, Nø Førmat ! 2004-2024, dans lequel il invite « ses » artistes à témoigner de leur histoire avec le label ou à raconter le processus de création de leurs albums. Enfin, en septembre, commencera une tournée lors de laquelle sera présentée sur scène une création « revisitant le passé et le futur du label ».
Pour cette sélection musicale, nous avons choisi de vous présenter un extrait de l’album à paraître, mais aussi deux morceaux récents d’artistes « maison » entre-temps signés chez d’autres labels mais qui s’inscrivent dans l’héritage collaboratif de Nø Førmat !.
« Youvilé », de Gérald Toto, Lokua Kanza & Richard Bona (remix Hagan)
En 2004, donc, l’un des trois premiers albums siglés « NØF » rassemble le guitariste martiniquais Gérald Toto, le bassiste camerounais Richard Bona et le chanteur congolais Lokua Kanza. Dans le livre publié par le label, le premier se souvient : « On a passé, je crois, cinq jours en studio ensemble. » Et de raconter leur première séance de travail, où chacun fait écouter aux autres ce qu’il a préparé : « Il y avait tout dans ce premier contact : l’exigence d’abord, celle de Lokua et de Richard sur la tenue musicale, un challenge galvanisant au possible. Et puis le plaisir, et du coup une certaine forme de légèreté. »
Le « trio panafricain » reproduira l’expérience en 2017 avec l’album Bondeko, toujours chez Nø Førmat !. Un opus dans lequel on trouve notamment le titre Youvilé, aujourd’hui revisité façon « afrofusion » par Hagan, un producteur britannique de musique électronique qui a répondu à l’appel du label pour son album de remix.
« Ninkoy », de Ballaké Sissoko & Derek Gripper
C’est l’un des disques les plus marquants de la discographie Nø Førmat ! : Chamber Music, paru en 2009, est le résultat d’une conversation musicale enregistrée en trois nuits, à Bamako, entre la kora du Malien Ballaké Sissoko et le violoncelle du Français Vincent Ségal. « La kora de Ballaké, elle apaise plus que d’autres, témoigne ce dernier. Ça te met dans un état de béatitude (…). Ballaké fait sonner les choses comme une cathédrale. »
Le Malien présente aujourd’hui un nouveau dialogue, cette fois-ci avec le Sud-Africain Derek Gripper, connu notamment pour avoir transcrit sur guitare classique les compositions d’un autre maître la kora, Toumani Diabaté. Leur album commun, simplement intitulé Ballaké Sissoko & Derek Gripper, est paru début mai, non chez Nø Førmat ! mais sur le label britannique Platoon. Les deux hommes y font communier leurs vingt-sept cordes au fil de sept morceaux immersifs et contemplatifs qui subliment la tradition mandingue.
« Mbenda », de Blick Bassy & Yamê
Autres jalons dans l’aventure Nø Førmat ! : l’album Akö, de Blick Bassy, un hommage au bluesman américain Skip James paru en 2015 ; et quatre ans plus tard, 1958, inspiré par le militant indépendantiste Ruben Um Nyobè. De passage dans un studio situé dans le même immeuble que le label, l’artiste camerounais avait invité Laurent Bizot à « passer écouter ». Celui-ci se souvient : « Dès les premières secondes, j’entends une proposition, un paysage sonore qu’on a instantanément envie d’explorer. »
Madiba, le dernier disque en date de Blick Bassy, est paru en 2023 chez le label français InFiné, mais on retrouve dans cet album sur le thème de l’eau quelque chose de la philosophie de Nø Førmat !. Et notamment dans sa version « étendue », Madiba ni Mbondi, sortie mi-mai avec quatre nouveaux titres, dont deux placés sous le signe de la rencontre : l’un avec l’Australien RY X et l’autre avec Yamê, un jeune artiste franco-camerounais en pleine ascension.
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