Chaque vendredi, Le Monde Afrique vous présente trois nouveautés musicales issues ou inspirées du continent. Cette semaine, direction le Gabon, où un nouveau genre est en train d’émerger : issue d’une danse née dans les prisons de Libreville, la ntcham (« bagarre », en argot gabonais) emprunte au rap et à l’afrobeats, tout en embrassant les sonorités traditionnelles d’Afrique centrale.
« C’est une danse qui est née en milieu carcéral et qui exprime toute la violence qu’il y a dans les quartiers populaires, les braquages, les agressions… », indique à l’AFP Essone Obiang, de la plate-forme de streaming gabonaise Gstore Music. « C’est comme le hip-hop : on part de la danse, puis il faut qu’on danse sur une musique », poursuit-il pour expliquer la multiplication de ces morceaux chantés principalement en argot et dont le tempo tourne autour de 120 battements par minute (BPM).
Faisant concurrence, localement, à l’afrobeats nigérian et à l’amapiano sud-africain, les artistes de ntcham visent plus loin et misent sur les réseaux sociaux. « Ces jeunes-là ont tout à fait compris l’outil Internet. Dès qu’un son sort, il devient quasiment viral », analyse Clancy Bissela, cofondateur de BweliTribe, un média spécialisé dans les musiques urbaines africaines : « Il n’y a pas plus gabonais à l’heure actuelle, mais c’est un message qui peut être écouté partout en Afrique. Il suffit juste que ça arrive à l’oreille des gens. »
« Guétawé », de L’Oiseau Rare
Avec trois albums depuis 2021 et près de 18 000 auditeurs mensuels sur Spotify, L’Oiseau rare est l’un des « ntchameurs » les plus en vue. « La ntcham a des instruments propres – des cithares, des flûtes et des cuivres –, mais surtout un rythme afrobeats ou dancehall accéléré », explique-t-il à l’AFP. Passé par la case prison, « l’enfant terrible de Libreville » raconte son vécu dans ses textes et cherche à contrer les préjugés. « C’est un peu compliqué avec les puristes », souffle-t-il, regrettant « le dénigrement » de ce genre musical où « la plupart des artistes viennent du ghetto ».
« C’est pas fini », de Dementos
Interrogé par l’AFP dans un studio du quartier d’Alibandeng, à Libreville, Dementos, 22 ans, s’est récemment lancé dans le mouvement et a vu sa carrière décoller. « J’ai vraiment eu un parcours boosté. Moi-même, je n’ai rien compris ! », plaisante-t-il. Avec huit morceaux publiés sur les plates-formes de streaming depuis octobre 2023, l’artiste rêve de « faire sortir la ntcham du Gabon ». « Nous sommes écoutés chez nous, c’est bien, mais il faut découvrir d’autres pays, d’autres horizons. Vraiment, c’est mon combat ! », s’exclame-t-il. Et de prévenir en musique : « C’est pas fini. »
« Coup d’Etat », de Général Ithachi
Ça commence seulement aussi pour Général Ithachi, qui s’est fait connaître en 2022 avec le tube Tchoukoudoukou, lequel a depuis engrangé plus de 300 000 écoutes sur Spotify, venues non seulement de Libreville, mais aussi de Paris, Abidjan ou Dakar. Depuis, celui qui se proclame « chef du bendo » (le « quartier », en argot) et surnomme ses fans les « bendozares » fait régulièrement paraître des singles aux titres évocateurs, comme Mouvement mouvementé ou Coup d’Etat, en référence au putsch commis en août 2023 par un autre « général », Brice Oligui Nguema, désormais à la tête du Gabon.
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