le Parlement européen à « l’ère du soupçon »

La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, s’exprime à l’ouverture de la session plénière sur l’affaire de corruption impliquant sa vice-présidente Eva Kaili, à Strasbourg, le 12 décembre 2022.

Ces derniers jours, la mémoire leur est revenue. De nombreux élus du Parlement européen ont soudain notifié à l’administration des informations qu’ils sont tenus de donner mais qu’ils avaient « oublié » de fournir à temps. Certains ont signalé un voyage effectué à l’invitation d’un Etat étranger, d’autres ont déclaré des cadeaux reçus. Même la présidente de l’institution, Roberta Metsola, a procédé à cette mise à jour, alors que ses prédécesseurs ne se sentaient pas concernés par cette obligation. « Mme Metsola ne garde pas les cadeaux qu’elle reçoit, elle les remet tous à l’administration », précise son porte-parole.

Depuis les révélations sur les tentatives d’ingérence du Maroc et du Qatar, menées à coups de liasses de billets – 1,5 million d’euros ont été découverts jusqu’ici –, de présents et de billets d’avion, les eurodéputés veulent se montrer irréprochables. Leur précipitation à se mettre en règle illustre les lacunes d’une institution autorégulée où les élus décident des règles qu’ils doivent appliquer, vérifient si elles le sont effectivement et conviennent d’éventuelles sanctions. Sans l’enquête belge, qui a révélé le scandale, « le train-train aurait continué », assure un fonctionnaire européen. « La justice belge a fait ce qu’apparemment le Parlement n’a pas fait », a regretté Alexander De Croo, le premier ministre belge.

Aujourd’hui, une vice-présidente (déchue) du Parlement européen, la socialiste grecque Eva Kaili (exclue de son parti, le Pasok), et son compagnon, l’assistant parlementaire Francesco Giorgi, sont en prison. Tout comme l’ancien élu socialiste italien Pier Antonio Panzeri, acteur principal de l’organisation mise au jour. Cet homme, qui, à en croire l’un de ses anciens collègues, avouait parfois « ne pas toucher une bille » dans certains domaines de la politique étrangère, a convaincu plusieurs régimes qu’il pourrait leur être utile. Deux autres eurodéputés socialistes, l’Italien Andrea Cozzolino et le Belge Marc Tarabella, encore protégés par leur immunité parlementaire, sont également dans le collimateur du juge d’instruction Michel Claise.

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« La confiance dans le Parlement européen qu’on a mis vingt ans à construire a été détruite en quelques jours », confiait récemment au Monde Roberta Metsola. Les Européens ont découvert, stupéfaits, des pratiques qu’ils pensaient être d’un autre temps. « Il faut arrêter de faire semblant de découvrir l’ampleur d’un problème qui était largement connu », s’agaçait, le 3 janvier, la députée écologiste belge Saskia Bricmont. A chaque fois qu’un conflit d’intérêts ou un autre comportement répréhensible a été signalé, « les conséquences ont été quasi nulles. Parce que des parlementaires sont eux-mêmes chargés du suivi des conflits d’intérêts chez leurs collègues ». Quant aux rares assistants parlementaires qui ont tenté d’alerter sur une situation anormale, ils ont perdu leur emploi.

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