Human Rights Watch (HRW) a accusé mercredi 15 février le Royaume-Uni et les Etats-Unis de s’être rendus coupables de crimes contre l’humanité en déplaçant des populations indigènes sur l’archipel contesté des Chagos, dans l’océan Indien, accusation rejetée « catégoriquement » par Londres.
Dans un rapport de plus de cent pages, l’organisation de défense des droits humains s’appuie sur des dizaines de témoignages et de documents officiels pour souligner que « les persécutions raciales » de Londres, avec le soutien de Washington, dans cet archipel situé au nord-est de l’île Maurice constituent « un crime colonial ».
« Nous rejetons catégoriquement cette caractérisation des événements », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) un porte-parole du ministère britannique des affaires étrangères, soulignant que Londres a déjà exprimé ses « profonds regrets » au sujet de la manière dont ont été déplacées ces populations. Contactées par l’AFP, les autorités américaines n’ont pas répondu.
Les Chagos sont au cœur d’un litige vieux de plus de cinq décennies. Depuis 1965, l’archipel est administré par Londres, qui a décidé d’y installer une base militaire commune avec les Etats-Unis sur l’île principale de Diego Garcia.
« Crime colonial effroyable »
Le Royaume-Uni a expulsé environ 2 000 habitants des Chagos vers Maurice et les Seychelles pour faire place à la base militaire. Des Mauriciens originaires des Chagos accusent le Royaume-Uni d’« occupation illégale ».
Selon Human Rights Watch, le Royaume-Uni et les Etats-Unis devraient fournir des réparations complètes aux populations locales et leur permettre de revenir vivre dans leur archipel.
« Le Royaume-Uni commet aujourd’hui un crime colonial effroyable, traitant les habitants des Chagos comme des personnes sans droits », a réagi Clive Baldwin, l’auteur du rapport de HRW.
L’organisation identifie trois crimes contre l’humanité : un crime colonial en cours avec déplacements forcés ; l’empêchement du retour des habitants chez eux par le Royaume-Uni ; la persécution raciale et ethnique par le Royaume-Uni.
Maurice, qui a obtenu son indépendance en 1968, revendique le territoire des Chagos et demande le retour de l’archipel dans son giron.
Discussions sur la souveraineté de l’archipel
Une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en mai 2019 demande « de reconnaître que l’archipel des Chagos fait partie intégrante du territoire mauricien, d’appuyer la décolonisation de Maurice le plus rapidement possible et de s’abstenir d’entraver ce processus en reconnaissant ou en donnant effet à toute mesure prise par le, ou au nom du, “Territoire britannique de l’océan Indien” ».
Cette résolution faisait suite à une décision, allant dans le même sens, de la Cour internationale de justice, rendue quelques mois plus tôt.
Au cours du mois dernier, le Royaume-Uni et Maurice ont entamé des discussions sur la souveraineté de l’archipel, mais selon le ministre britannique des affaires étrangères, James Cleverly, les deux pays s’étaient accordés pour que la base militaire continue de fonctionner.
En 2016, le Royaume-Uni a prolongé jusqu’en 2036 un contrat relatif à l’utilisation de la base militaire avec les Etats-Unis, laquelle a notamment joué un rôle stratégique lors de la guerre froide, puis dans les années 2000 lors des conflits en Irak et en Afghanistan.
Port-Louis, île Maurice, décembre 2014
Rosemay est née à Peros Banhos, une île des Chagos. Elle a été déportée, comme les autres Chagossiens, puis s’est mariée à un Mauricien, mort depuis. « Là-bas, c’était plus beau qu’ici, à 100 %. » Elle vit de sa maigre pension à Port-Louis. MORGAN FACHE / ITEM
Les oubliés du miracle mauricien se retrouvent dans le quartier de Batterie-Cassée. Les inégalités montent dans l’île, l’insécurité aussi. Les quartiers aisés deviennent des forteresses, les quartiers pauvres des poudrières. MORGAN FACHE / ITEM
Pamela est d’origine chagossienne, mais elle n’a jamais vu l’archipel. Elle n’en connaît que ce qu’Azulé, son mari, lui raconte quand il rentre des longues périodes de pêche qui l’emmènent dans les différentes îles de l’océan Indien. MORGAN FACHE / ITEM
Quartier de Batterie-Cassée, rue Diego-Garcia : un nom emprunté à l’île principale des Chagos, devenue depuis une base militaire américaine. MORGAN FACHE / ITEM
Quand ils n’ont pas école, les enfants restent à la maison car, pour aller à la plage, il faut traverser les quartiers en tôles, enjamber les toxicomanes, franchir le boulevard en évitant les voitures, prendre un bus et contourner les grands hôtels pour touristes. MORGAN FACHE / ITEM
L’assistance n’est pas très nombreuse pour l’enterrement d’Emilie Louise Codor, la doyenne des Chagossiens. Un simple trou creusé dans le sol, pas de stèle, pas de croix, pas de nom. Emilienne reposera ici, loin de sa terre natale. MORGAN FACHE / ITEM
Dans le salon de « Petit Frère », le vide laissé par le passé est comblé de manière artificielle : bondieuseries, fleurs en plastique, peluches… « Aux Chagos on n’avait rien et on avait tout pour être heureux. Ici, il n’y a rien de bon pour nous. » MORGAN FACHE / ITEM
Au siège du Chagos Refugees Group, Olivier Bancoult montre les panneaux sur la déportation, les militaires, les tombes écrasées, les pèlerinages chaque année… Sur les murs s’étale la lutte des 40 dernières années, les rencontres, les soutiens, les victoires. MORGAN FACHE/ITEM
Mimose a quitté les Chagos en 1968. Sa mère, Rita Bancoult, était une grande militante du mouvement chagossien. « Ici, il y a beaucoup de problèmes de racisme avec les hindous. En Angleterre non, et il y a du travail. C’est pour ça que mes enfants sont partis. » MORGAN FACHE / ITEM
Anaïs a 17 ans. Née à Maurice d’une mère chagossienne et d’un père mauricien, elle veut devenir hôtesse de l’air pour voir plus souvent sa grand-mère et sa tante, qui vivent en Angleterre. MORGAN FACHE / ITEM
Aéroport de Gatwick, Royaume-Uni, juin 2017
Allen a grandi et étudié à l’île Maurice. C’est lui qui est à l’origine des premières arrivées de Chagossiens en Angleterre, il voulait que son peuple ait un avenir meilleur. « J’avais 25 ans et j’ai eu cette vision, je voulais venir en Angleterre. » MORGAN FACHE / ITEM
C’est dans cet hôtel qu’a été hébergé le premier groupe de seize Chagossiens venus s’installer à Crawley, en 2002, après avoir campé quatre jours dans l’aéroport de Gatwick. Ils restèrent six mois dans cet hôtel avant d’obtenir leurs papiers de résidents. MORGAN FACHE / ITEM
Crawley, Royaume-Uni, juin 2017
Journée de football organisée par la communauté chagossienne de Crawley. Le joueur de dos appartient à l’équipe Chagos Island Association, qui a participé à la Coupe du monde des peuples sans Etat, en 2016, en Abkhazie. MORGAN FACHE / ITEM
La communauté chagossienne de Crawley est venue supporter les équipes de football. MORGAN FACHE / ITEM
Ces jeunes filles appartiennent à la troisième génération, celle qui est née à Maurice mais a connu principalement l’Angleterre et compte y construire son avenir. « Aller aux Chagos, oui, mais en vacances », disent certains. MORGAN FACHE / ITEM
Lucie ne souhaite pas rentrer à Maurice. « Mon pays, c’est l’Angleterre. Les Anglais ont fait beaucoup de mauvaises choses avec les Chagossiens, mais ici le gouvernement me donne une pension et m’aide pour les médicaments, les lunettes, le médecin. » MORGAN FACHE / ITEM
Anne-Marie a été déportée à Maurice à l’âge de 7 ans. « Quand nous sommes arrivés, les Mauriciens nous traitaient de Zoulous. » Elle a arrêté l’école à 14 ans, a travaillé dans une usine de textile, s’est mariée à 18 ans et s’est installée en Angleterre en 2007. MORGAN FACHE / ITEM
Un prédicateur prononce des louanges devant l’entrée de l’église de Langley Green. Cette paroisse est principalement fréquentée par les communautés chagossienne et mauricienne. Le pasteur Roro est lui-même mauricien. MORGAN FACHE / ITEM
Stéphane, 25 ans, est arrivé en Angleterre en 2006 avec son père. Il travaille dans le bâtiment et vient d’avoir un petit garçon. Il souhaite retourner sur les Chagos. « Je voudrais y construire une maison. Ici, ce n’est pas ma vie. Là-bas, il y a tout à faire. » MORGAN FACHE / ITEM
Londres, Royaume-Uni, juin 2017
C’est un jour important dans le combat que mène Olivier Bancoult, le président du Chagos Refugees Group. Il a fait le voyage de Port-Louis à Londres pour défendre devant la Cour suprême les intérêts de son peuple en exil. MORGAN FACHE / ITEM