Le Rwanda se positionne en futur hub régional de la production de vaccins ARN messager

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Ce n’est plus qu’une question de jours avant l’arrivée à Kigali, la capitale rwandaise, d’un nouveau « BioNtainer ». Ces laboratoires mobiles semi-automatisés, conçus par l’entreprise allemande BioNTech, spécialiste de la technologie de l’ARN messager (ARNm), incarnent l’ambition affichée par le Rwanda de s’imposer comme un futur hub du vaccin en Afrique.

Un premier module, constitué de six salles propres préfabriquées, a déjà été livré en mars 2023. Entre-temps, le travail s’est intensifié pour construire l’infrastructure de support et constituer l’équipe nécessaire au bon fonctionnement des BioNTainers : l’un servira à la fabrication de la substance active, l’autre à la production de vaccins formulés prêts à l’emploi. Avec cet investissement de quelque 150 millions de dollars (138 milliards d’euros), BioNTech affirme vouloir renforcer la résilience d’un continent qui importe aujourd’hui 99 % de ses vaccins et plus de 90 % de ses médicaments.

Après la pandémie de Covid-19, gouvernements et groupes pharmaceutiques mondiaux avaient multiplié les promesses visant à accroître l’équité vaccinale dans les pays en développement. Mais les engagements pris sont loin de s’être tous concrétisés. En avril, c’est le laboratoire américain Moderna qui annonçait « mettre en pause » un projet d’usine au Kenya, expliquant n’avoir reçu aucune commande de vaccins anti-Covid en Afrique depuis 2022.

Un choix déroutant

Mais, chez BioNTech, « nous avançons avec une vision de long terme », assure Aneto Okeke, chef du projet industriel, citant la trajectoire fixée par l’Union africaine : couvrir 60 % des besoins du continent par des vaccins d’origine locale, d’ici à 2040. De la fenêtre des bureaux provisoires de la compagnie, le responsable nigérian désigne une colline, au loin. Là-bas, dans la zone économique spéciale de Kigali, a été inauguré en décembre 2023 le futur site de fabrication. Les travaux s’y poursuivent et devraient s’achever d’ici à la fin de l’année.

Aucune date n’a encore été officiellement fixée pour la production des premiers vaccins rwandais. Mais l’installation, une fois opérationnelle, devrait être en mesure de fournir jusqu’à cinquante millions de doses par an. Des vaccins contre le coronavirus, bien sûr, mais également d’autres traitements pionniers à base d’ARNm contre la tuberculose ou le paludisme par exemple, développés par BioNTech et actuellement en phase d’essai.

La Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies, une alliance public-privé, a d’ailleurs annoncé le 29 mai avoir octroyé au fabricant un financement de 145 millions de dollars pour appuyer ses efforts et lui permettre de mener sur place de la recherche clinique. « Tout l’objectif est d’établir une plate-forme technologique pour la production de vaccins contre les maladies qui affectent particulièrement l’Afrique », résume M. Okeke.

Si l’intention est difficilement contestable, le choix de la biotech de s’implanter au Rwanda peut en revanche sembler déroutant. Ou follement audacieux. « Il n’y avait même pas une molécule d’aspirine produite sur place quand on s’est mis à parler de BioNTech », rappelle un consultant européen établi à Kigali et qui préfère rester anonyme. Pourtant dès 2021, Paul Kagame, le président de cette minuscule enclave située en Afrique centrale, affirmait que son pays serait le premier sur le continent à développer de l’ARNm.

« Engagement politique »

« Nous croyons que l’innovation peut être au centre du développement, y compris dans la santé », fait valoir le secrétaire d’Etat rwandais chargé de la santé, Yvan Butera, en se félicitant que le Rwanda puisse bénéficier de la technologie « prometteuse » de l’ARNm et servir de « pays test » en Afrique. Une stratégie confortée par la récente décision de l’Institut international du vaccin d’installer son bureau africain à Kigali.

Un atout du pays tient à sa petite taille : avec quelque treize millions d’habitants, en cas de future pandémie, la population peut être couverte rapidement, sans épuiser les doses destinées aux pays voisins. L’inverse de l’Inde, premier producteur mondial, qui a brutalement suspendu ses exportations lors de la dernière crise sanitaire afin de parvenir à boucler sa propre campagne de vaccination.

« Mais ce qui a fait pencher la balance en faveur du Rwanda, alors qu’il y avait certainement d’autres candidats plus logiques en Afrique, c’est surtout le niveau d’engagement politique sur ce dossier, estime Belen Calvo Uyarra, ambassadrice de l’Union européenne (UE) à Kigali. Ils ont fait preuve de beaucoup de pragmatisme en se montrant prêts à développer l’écosystème nécessaire pour soutenir cet investissement. Même s’il s’agit d’une opération complexe. » Un projet que l’UE a décidé de soutenir en mobilisant 40 millions d’euros pour stimuler l’industrie biopharmaceutique locale.

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Car, avec l’arrivée de BioNTech, tout reste à construire. Puisque tout manque encore : même trouver une entreprise habilitée à laver les tenues de protection des laborantins relève quasiment de la mission impossible. Sur le volet de la régulation, l’autorité rwandaise du médicament ne possède pas aujourd’hui le niveau de maturité nécessaire pour pouvoir exporter des produits pharmaceutiques. Des jumelages ont été instaurés avec des agences européennes pour renforcer son expertise technique et l’accompagner vers la certification.

Transferts de savoir-faire

L’urgence concerne surtout les ressources humaines. « Il y a un déficit de compétences dans ce domaine de la fabrication de vaccins, reconnaît Gisele Uwase, chargée du recrutement du personnel de BioNTech au Rwanda. Nous essayons d’y remédier avec des solutions efficaces. » Outre les transferts de savoir-faire avec les équipes basées en Allemagne, un partenariat a été noué avec une université luxembourgeoise pour dispenser des formations spécifiques aux nouvelles recrues. Le site rwandais devrait compter à terme une centaine d’employés, et « notre ambition est qu’ils soient pour l’essentiel originaires du continent », insiste Mme Uwase.

En parallèle, des efforts sont déployés par les autorités avec l’aide des bailleurs de fonds pour muscler le réservoir de talents, alors que les profils qualifiés font aujourd’hui défaut. Un master en biotechnologie a été lancé en 2023 à l’université du Rwanda, une première dans le pays. Nouveaux programmes universitaires, création d’un institut de biotechnologie, développement d’une offre de formation numérique… Plusieurs options sont sur la table pour répondre aux besoins, y compris dans les métiers auxiliaires ou la recherche médicale. Et tenter d’attirer, au-delà de BioNTech, d’autres entreprises du secteur pharmaceutique.

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