Le Sénégal compte sur sa diaspora pour financer son développement

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Et si demain, les fonds envoyés par la diaspora sénégalaise servaient à construire un hôpital régional ultramoderne dans la région de Tambacounda (sud-est), l’extension de l’aéroport international Blaise-Diagne ou encore une usine de transformation de mangues en Casamance ? C’est ce que suggère le projet de loi de finances 2025, largement adopté par les députés sénégalais mardi 24 décembre, qui propose notamment de recourir à un emprunt obligataire dont les ressortissants installés à l’étranger seraient les créanciers.

Face à une dette qui atteint 80 % du PIB et un déficit budgétaire de 10,4 % du PIB sur la période 2019-2023 (tous deux plus importants que prévu), les autorités veulent miser sur une « politique d’endettement prudente » auprès des bailleurs de fonds internationaux et privilégier « le développement de financements domestiques libellés en monnaie locale ». Dans cette perspective, le Sénégal aura « recours aux diaspora bonds comme source de diversification de l’endettement en monnaie locale », indique la version initiale du texte budgétaire.

Au Sénégal, les fonds venus de la diaspora, principalement installée en Europe et aux Etats-Unis, sont essentiels à la bonne marche de l’économie. En 2023, ils s’élevaient à 1 600 milliards de francs CFA (2,4 milliards d’euros), soit environ 10,5 % du PIB. Un montant nettement supérieur au 1,4 milliard d’euros d’aide publique au développement apportée par les institutions internationales et les bailleurs de fonds bilatéraux.

« Avec le recours aux diaspora bonds, l’idée est de flécher une partie de ces envois, aujourd’hui essentiellement utilisés pour la consommation de base ou des projets immobiliers individuels, vers des investissements productifs », explique Babacar Sané Ba, ancien banquier d’affaires en France, aujourd’hui ambassadeur et directeur des partenariats et de la promotion économique et culturelle au ministère sénégalais de l’intégration africaine et des affaires étrangères.

Selon les informations obtenues par Le Monde, les obligations émises par l’Etat sénégalais devraient être lancées d’ici six mois avec un taux d’intérêt autour de 5 %, contre 7,75 % pour la dernière émission d’eurobonds, en juin. « Aujourd’hui, les eurobonds sont un instrument financier extrêmement cher pour les Etats africains, limite prohibitifs », souligne l’économiste Seydina Alioune Ndiaye. « Mais ce n’est pas qu’une question de rendement, estime Babacar Sané Ba. Les diaspora bonds sont aussi un pas vers la souveraineté économique, avec des financements propres et non venus de l’extérieur. »

Transparence

« Le mécanisme est bien défini et les transactions seraient régulées par la Bourse régionale des valeurs mobilières [institution financière de l’Union économique et monétaire ouest-africaine]. L’enjeu est d’avoir un panier de projets bien structurés qui intéressent la diaspora et un acteur qui fera la levée de fonds et développera la plate-forme de souscription des obligations », prévient Thiaba Camara Sy, présidente du conseil d’administration de CGF Bourse, l’une des principales sociétés de gestion et d’intermédiation de la place.

Autrement dit, pour que le projet soit un succès, il s’agira de convaincre les potentiels souscripteurs de la transparence de l’utilisation des fonds, de les informer de l’avancée des projets et de mandater une société chargée de mobiliser l’épargne des Sénégalais de l’extérieur.

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Si la levée d’obligations auprès de la diaspora est une nouveauté pour l’Etat sénégalais, l’opération a déjà été effectuée en 2019 par la Banque de l’habitat du Sénégal, une société parapublique, pour financer des projets immobiliers privés dans la ville nouvelle de Diamniadio et près du lac Rose. Après une tournée dans 26 pays, le projet avait récolté une souscription de 22,8 milliards de francs CFA, contre 20 milliards espérés.

Dans un rapport sur la mobilisation des fonds des diasporas publié en décembre 2023, la Banque mondiale notait que « dans la plupart des cas, les diaspora bonds sont fructueux pour le développement des pays d’origine ». L’exemple le plus probant est sans doute Israël, qui a ainsi levé près de 39 milliards d’euros depuis 1951 pour son développement. Plus récemment, l’Inde, entre 1991 et 2003, a levé 10,5 milliards d’euros par le même mécanisme, et le Nigeria 288 millions d’euros en 2017.

Dans un contexte de diminution de l’aide au développement, de crise de la dette et de remontée des taux d’intérêt des eurobonds, « les diaspora bonds sont une source très crédible de financement », promet Babacar Sané Ba, convaincu que « la diaspora engagée » sera le ferment du succès.

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