Le Somaliland vote pour son président en espérant la reconnaissance de Donald Trump

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Muse Bihi Abdi n’a pas perdu de temps. A peine le candidat républicain Donald Trump était-il officiellement annoncé vainqueur de l’élection américaine, le 6 novembre, que le président somalilandais pianotait un message de félicitations sur le réseau social X : « J’attends avec impatience de collaborer [avec vous] en vue du renforcement du partenariat entre le Somaliland et les Etats-Unis. »

Dans la capitale, Hargeisa, le président Bihi, candidat à un second mandat lors de l’élection présidentielle du mercredi 13 novembre, jubile. « Tous les officiels somalilandais, qu’ils soient issus du parti au pouvoir ou de l’opposition, voient d’un très bon œil l’arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis », souligne Brendon Novel, doctorant en sciences politiques à l’université de Montréal.

Le retour du républicain à la Maison Blanche fait souffler un vent d’espoir à Hargeisa car il pourrait donner un coup d’accélérateur au combat mené depuis trois décennies par la république autoproclamée pour obtenir une reconnaissance internationale. En effet, si l’Afrique n’est mentionnée qu’à de très rares occasions dans le « Project 2025 », la feuille de route trumpiste réalisée par le think tank ultraconservateur Heritage Foundation, il est justement question du Somaliland.

Une zone stratégique

Dans le rapport, les théoriciens conservateurs préconisent de reconnaître sa souveraineté pour en faire un allié américain supplémentaire au bord de la mer Rouge et y « contrer l’influence chinoise », alors que Pékin a installé à Djibouti sa seule base militaire à l’étranger en 2017. « Il est trop tôt pour dire comment va agir la future administration Trump, mais il est certain qu’elle perçoit le Somaliland comme une zone stratégique pour les intérêts américains, avec notamment la présence du port de Berbera [sur le golfe d’Aden], explique Omar Mahmood, expert au sein de l’International Crisis Group (ICG). D’autre part, Washington est frustrée de voir que l’instabilité perdure en Somalie alors qu’elle s’y investit militairement et économiquement. »

C’est dans ce contexte que le « pays qui n’existe pas » organise son élection présidentielle, la cinquième de sa courte histoire. Au moment de l’indépendance en 1960, l’ancienne colonie britannique – grande comme la Grèce – a d’abord été rattachée à la république somalienne avant d’en faire sécession en 1991 au terme d’une guerre civile d’une décennie. Devenu depuis un Etat de facto, le Somaliland s’affirme comme l’un des acteurs les plus stables d’une Corne de l’Afrique sous tension.

« Ayant historiquement organisé avec succès des élections démocratiques, le Somaliland a cependant perdu en légitimité ces deux dernières années en raison d’une profonde crise électorale [le scrutin présidentiel était initialement prévu pour 2022] et d’affrontements entre clans rivaux dans l’est du pays, indique Omar Mahmood. Cette élection est donc l’opportunité d’enclencher une nouvelle dynamique et de prouver qu’il peut être, comme il le prétend, un garant de stabilité dans une région turbulente. »

Cinq millions d’habitants sont appelés aux urnes, mercredi 13 novembre, pour choisir entre les trois partis politiques autorisés dans ce système hybride, unique en son genre, qui mêle clanisme et démocratie réprésentative, où des chefs de tribu sont élus à la chambre des Anciens et des députés à la chambre des représentants. « Le besoin de reconnaissance internationale fait consensus entre les partis », précise Brendon Novel, selon qui la campagne électorale s’est focalisée sur les difficultés économiques du pays et sur la dérive autoritaire de Muse Bihi Abdi, accusé par l’opposition de présidentialiser le régime.

« L’endroit où il faudra être »

Malgré ces frictions, jamais l’horizon d’accéder au rang de 194e Etat membre de l’ONU n’a paru aussi proche à Hargeisa. Annoncé en janvier, un protocole d’accord entre Addis-Abeba et la région séparatiste somalienne prévoit la location pour cinquante ans à l’Ethiopie de 20 kilomètres de côtes du Somaliland en échange de la reconnaissance de sa souveraineté. La levée de boucliers que l’accord a suscitée dans la région – car il viole la souveraineté de la Somalie – a cependant reporté sa mise en œuvre. Le traité fait du surplace depuis onze mois.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés La bataille de l’Ethiopie pour retrouver un accès à la mer

A ce titre, une inflexion de la diplomatie américaine serait décisive, estime un diplomate européen en Afrique de l’Est, qui s’exprime sous le couvert de l’anonymat. D’autant que le Somaliland entretient également des liens étroits, politiques et économiques, avec un autre allié de poids proche des Etats-Unis, les Emirats arabes unis – le port de Berbera est opéré par l’entreprise émiratie Dubai Port World –, qui verraient d’un bon œil l’émergence d’un Somaliland souverain. « Hargeisa est l’endroit où il faudra être ces prochaines années dans la Corne », prédit le diplomate.

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