
Dimanche 12 février, alors que les Chypriotes grecs se rendaient aux urnes pour élire leur président, de l’autre côté de la ligne verte qui les sépare, leurs homologues turcs enterraient leurs morts du tremblement de terre, trente-neuf personnes, dont les dépouilles ont été rapatriées de la ville d’Adiyaman (sud-est de la Turquie) dévastée par le séisme.
Les personnes mortes faisaient partie d’un groupe scolaire venu de Famagouste, une ville portuaire située dans la partie de Chypre contrôlée par la Turquie, qui s’étaient rendues à Adiyaman pour un tournoi de volley-ball. Vingt-quatre collégiens, filles et garçons, âgés entre 11 et 14 ans, ainsi que leurs accompagnateurs, parents et professeurs, ont péri ensevelis sous les décombres de leur hôtel, un bâtiment construit récemment mais qui s’est écroulé comme un château de cartes, comme s’il était sans fondations, à l’aube du 6 février.
Toute la journée de dimanche, les rites funéraires se sont enchaînés à Famagouste, sur la côte est de l’île, dans la zone administrée par la République turque de Chypre du Nord (RTCN), reconnue par Ankara seulement.
Irresponsabilité
Rencontré à la sortie de la vieille mosquée, Kaan G. a les yeux embués et la voix brisée. « Les jeunes attendaient ce voyage avec impatience. C’était pour eux une récompense. Ils sont partis en confiance et maintenant on les enterre. On se sent coupable de ne pas avoir pu les protéger », murmure le trentenaire qui ne veut pas dire son nom.
La semaine dernière, les Chypriotes turcs croyaient encore au miracle, certains que quelques vies seraient épargnées. Mais la seule personne retirée vivante des gravats, Evren Cavdir, un père de famille, a succombé à ses blessures peu de temps après à l’hôpital.
Kaan en est sûr : « Ils n’avaient aucune chance de s’en tirer, l’hôtel n’a pas été construit selon les normes antisismiques en vigueur. Les normes existent mais seulement sur le papier. Le plus souvent, elles ne sont pas respectées, surtout dans ces régions du sud-est de la Turquie, où les promoteurs et les politiciens fonctionnent comme une mafia. »
Le tremblement de terre était mortel en soi. Mais l’ampleur des dégâts et le bilan humain, qui ne cesse de s’alourdir, s’expliquent aussi par l’irresponsabilité qui règne dans le secteur du BTP turc, peu regardant sur les normes antisismiques.
Loyauté au pouvoir en place
Celles-ci ont été mises en place juste après le séisme survenu en 1999 à Izmit, sur la mer de Marmara, non loin d’Istanbul. Il s’agissait d’empêcher les entrepreneurs véreux, prompts à utiliser des matériaux de piètre qualité – entre autres, du béton mélangé à du sable de mer –, de nuire de nouveau. La catastrophe (18 000 morts) contribua à la perte de popularité du gouvernement de coalition alors en place, qui perdit les élections législatives de 2002, remportées par le Parti de la justice et du développement (AKP).
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