Cent chemises, une cinquantaine de costumes, des abacosts et des sahariennes achetés en France pour plus de 900 000 euros… Les achats de luxe présumés du président tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno, révélés par le site Mediapart en décembre 2023, ont mené à l’ouverture un mois plus tard d’une enquête préliminaire du Parquet national financier (PNF) pour « détournement de fonds publics et recel », a annoncé l’AFP mardi 2 juillet. Payés en deux virements, en 2021 et en 2023, issus d’une « mystérieuse société baptisée MHK Full Business, enregistrée à N’Djamena et disposant d’un compte au sein de la Banque commerciale du Chari (BCC), un des huit établissements bancaires agréés au Tchad », selon Mediapart, ces vêtements seraient des « biens mal acquis ». L’affaire pourrait refroidir les relations entre Paris et N’Djamena, son dernier allié au Sahel.
« Le président ne porte pas de costumes », répond sèchement une source gouvernementale tchadienne qui renvoie à la lecture de l’autobiographie du chef de l’Etat, De Bédouin à président (VA Editions, 2024), dans laquelle Mahamat Idriss Déby Itno dit préférer les « tenues traditionnelles » et accuse l’un de ses anciens conseillers, Abakar Manany, d’avoir réalisé les achats incriminés sans son consentement, puis d’avoir rendu l’affaire publique pour se venger de sa disgrâce. Dans les arcanes du pouvoir tchadien, beaucoup attendent des « explications » de Paris.
Bien que son nom apparaisse au registre de Dubaï comme étant ou ayant été propriétaire d’un ou plusieurs biens dans l’émirat, le président tchadien n’est pas connu pour son train de vie dispendieux. Avant lui, des enquêtes contre les familles du président Denis Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville et de l’ex-chef d’Etat gabonais Ali Bongo Ondimba ont été ouvertes en France. Celle à l’encontre des Obiang en Guinée équatoriale avait mené à la condamnation de Téodorin, le fils du chef de l’Etat et vice-président du pays, à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende en 2021.
Electrochoc à l’Elysée
Bien que de moindre ampleur, la procédure crispe N’Djamena dans un contexte d’incertitude lié à la reconfiguration de la présence militaire française sur le continent. Frontalier du Soudan, de la Centrafrique et du Niger, où opèrent les mercenaires russes héritiers du groupe Wagner, le Tchad est perçu par Paris comme un « îlot de stabilité ». Après que son armée a été chassée successivement du Mali, du Burkina Faso et du Niger par une série de coups d’Etat, la France souhaite conserver sa capacité de projection depuis la capitale tchadienne où stationne encore un millier de ses soldats.
Il vous reste 59.91% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.