Les populations d’insectes s’effondrent en Europe

Dans une indifférence générale, les études se succèdent et indiquent un effondrement vertigineux des populations d’insectes, en Europe et ailleurs. Les estimations de ces déclins, dans les régions de basse altitude dominées par les activités humaines, sont souvent à peine croyables, mais toutes convergent, quel que soit le pays. Prises dans leur ensemble, elles suggèrent des chutes d’abondance de ces organismes, vitaux pour les écosystèmes et l’agriculture, d’au moins 70 % à 80 % au cours des dernières décennies.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Au Royaume-Uni, les papillons ont disparu de près de la moitié des lieux qu’ils fréquentaient il y a cinquante ans

Les données les plus récentes ont été rendues publiques en décembre 2022 et proviennent d’une expérience de science participative pilotée au Royaume-Uni par les organisations de conservation Kent Wildlife Trust et Buglife : des centaines d’automobilistes ont accepté d’installer un petit écran à côté de leur plaque d’immatriculation permettant de compter le nombre d’impacts d’insectes, en fonction de la vitesse de déplacement, du trajet, des zones traversées, etc. Toutes choses égales par ailleurs, les impacts d’insectes ont chuté, selon cette étude, de 63,7 % entre 2004 et 2022. Entre 2004 et 2021 ce déclin était évalué à 58,4 %, soit une aggravation de 5 points en une seule année.

Les données les plus solides et les plus nombreuses proviennent d’Allemagne. L’étude la plus célèbre est celle conduite par le biologiste Caspar Hallmann (université Radboud à Nimègue, Pays-Bas) et publiée en 2017 dans la revue PLoS One. Sur un échantillon de 63 zones protégées allemandes insérées dans les paysages agricoles, les auteurs enregistrent un déclin moyen de 76 % de la biomasse d’insectes volants entre 1989 et 2016, soit en l’espace de vingt-sept ans. En effectuant la mesure au milieu de l’été, la baisse atteint 82 %.

Résultats inquiétants

Aucun paramètre climatique ou environnemental n’a pu être associé par les chercheurs à ce déclin, mais la nature des pesticides utilisés autour des zones investiguées est inconnue, de même que l’évolution de leurs usages. Mis en doute pour le caractère rétrospectif de l’analyse (les prélèvements n’avaient pas été, à l’époque, conduits en vue de l’usage qui en a été fait), ces chiffres ont été corroborés deux ans plus tard par d’autres travaux, publiés par la revue Nature et coordonnés par Wolfgang Weisser (université technique de Munich).

Des résultats plus inquiétants encore. Les chercheurs ont effectué des prélèvements annuels sur 150 prairies allemandes entre 2008 et 2017 ; ils mesurent une diminution de 67 % de la biomasse de l’ensemble des arthropodes (insectes, mille-pattes, araignées, etc.), de 78 % du nombre d’individus capturés et de 34 % de la diversité des espèces rencontrées. « Ce déclin était cohérent à tous les niveaux de la chaîne alimentaire et touchait surtout les espèces rares, écrivent les auteurs. Son ampleur était indépendante de l’intensité de l’utilisation locale des terres. Cependant, les sites intégrés dans des paysages présentant une plus grande couverture de terres agricoles ont montré un déclin plus fort. »

Il vous reste 52.13% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source