Un an après l’invasion russe du 24 février 2022, la guerre en Ukraine a mis à mal les certitudes des armées occidentales. Engagées dans des combats expéditionnaires depuis la première guerre du Golfe, en 1991, ces dernières avaient perdu l’habitude du conflit interétatique de haute intensité. Les images des tranchées creusées dans l’Est et le Sud ukrainiens ont ravivé le souvenir de 1914-1918. Celles d’une colonne de chars fonçant sur Kiev, dès le déclenchement des hostilités, puis celles des grandes villes défigurées par les bombardements ont évoqué 1939-1945.
A l’inverse, l’entrée en action de nouvelles technologies – telles que les drones, ou les constellations de satellites Starlink permettant aux troupes ukrainiennes de rester connectées entre elles – a pu donner le sentiment d’être projeté dans le futur. Confrontés à une guerre sur le continent européen qu’ils n’avaient pas anticipée, les chefs d’état-major révisent leur grammaire stratégique et s’interrogent sur leurs doctrines.
Le premier tournant majeur, aux implications encore difficiles à mesurer sur le long terme, est le réveil de l’OTAN et le retour en force des Etats-Unis au sein de la défense européenne. Après avoir vu sa crédibilité mise en doute par ses membres qui rechignaient à mettre la main au portefeuille et par une administration Trump qui menaçait de se retirer, l’Alliance atlantique assiste à sa propre résurrection.
Déclarée en état de « mort cérébrale » par le président français, en novembre 2019, l’organisation devrait bientôt intégrer la Finlande et, si le veto turc est levé, la Suède – deux nations qui mettent ainsi un terme à leur tradition séculaire de neutralité. « Après trente ans de gestion de crises hors de l’Europe, notamment en Libye et en Afghanistan, la guerre en Ukraine a acté le retour de l’OTAN à ses fonctions essentielles : établir la défense collective, territoriale, de l’Europe », estime ainsi Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’organisation et désormais expert pour le centre de recherche European Council on Foreign Relations.
A la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, les pays de l’Alliance avaient commencé à déployer des troupes sur le flanc oriental de leur territoire, dans les pays baltes et en Pologne. L’invasion de l’Ukraine a accéléré et étendu ce mouvement. L’OTAN a musclé ses positions dans ces pays, mais aussi envoyé des forces en Bulgarie, Hongrie, Roumanie et Slovaquie. « La guerre en Ukraine montre le retour en force de l’alliance militaire comme moyen stratégique », explique Thibault Fouillet, spécialiste des questions militaires à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Face à la menace russe à leurs portes, les Européens paraissent aujourd’hui convaincus que seule une action commune sera de taille à repousser les ambitions expansionnistes de Vladimir Poutine.
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