« Nos très mauvaises conditions de vie ont causé l’infection de ma sœur »

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« Je souffre d’une grave diarrhée », souffle d’un filet de voix Aïcha Mohammed, allongée sur un petit lit de l’hôpital de Wad Al-Hulaywah, dans l’Etat de Kassala, dans le sud-est du Soudan, qui affronte une épidémie de choléra avec un système de santé ravagé par seize mois de guerre.

Cette quadragénaire, originaire de Wad Al-Hulaywah, une ville située à la frontière des Etats de Kassala et de Gedaref, à proximité de l’Ethiopie et de l’Erythrée, est sous perfusion pour soulager ses symptômes du choléra.

Le ministère de la santé, qui a annoncé la semaine dernière l’émergence d’une épidémie de cette maladie dans le pays, a fait état, mardi 20 août, de 556 cas confirmés de choléra, dont 27 morts. Les Etats de Kassala et Gedaref sont particulièrement touchés, a déclaré le ministre, Haitham Ibrahim.

Dans la ville agricole de Wad Al-Hulaywah, « les premiers cas ont commencé à arriver à l’hôpital le 24 juillet », déclare à l’AFP Adam Ali, un responsable local de la santé. « On dénombre 150 cas jusqu’à présent, dont sept morts », précise-t-il. Pour M. Ibrahim, l’épidémie est causée par les « conditions climatiques et la contamination de l’eau potable ».

Avant la guerre, l’ONU alertait déjà sur le sort des 48 millions d’habitants du pays : 4 sur 10 n’ont pas accès à l’eau potable.

« Mouches et eau polluée »

« Notre problème, c’est l’eau potable, 69 % des habitants de la localité boivent directement l’eau du fleuve, polluée », confirme M. Ali, en référence à la rivière Setit, qui traverse Wad Al-Hulaywah et prend sa source en Ethiopie. Pendant la saison des pluies, explique-t-il, ce cours d’eau charrie de grandes quantités de limon, ce qui augmente les niveaux de pollution.

Et, depuis plusieurs semaines, le Soudan est frappé par des pluies torrentielles ayant provoqué le déplacement de milliers de personnes et apportant leur lot de maladies. Ce sont ces pluies et les inondations qu’elles provoquent qui ont fait resurgir avec force le choléra dans un pays où l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) dénombre « 11 327 cas, dont 316 décès » depuis juin 2023, a déclaré vendredi à des journalistes sa porte-parole, Margaret Harris.

Le choléra est une infection diarrhéique aiguë, provoquée par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés par une bactérie (le vibrion), causant une déshydratation sévère pouvant engendrer la mort en quelques heures, notamment sur des organismes jeunes, dénutris ou affaiblis par la maladie.

Devant l’hôpital de Wad Al-Hulaywah, des ouvriers pulvérisent de l’insecticide pour lutter contre les mouches qui pullulent et peuvent disséminer la maladie, mais, affirme M. Ali, le problème réside dans le manque de contrôle en matière d’assainissement. « Des villages entiers ont été déplacés suite à la construction du barrage, leurs habitants ont creusé des latrines de fortune, elles attirent les mouches faute d’entretien », ajoute-t-il, en référence au barrage construit en 2015 par les autorités pour retenir les eaux de la rivière Setit.

« Inquiet et effrayé »

Au Soudan, une guerre oppose depuis avril 2023 l’armée, dirigée par le général Abdel Fattah Al-Bourhane, aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de son ex-adjoint, le général Mohamed Hamdan Daglo. Dans un pays morcelé entre les zones contrôlées par l’armée et par les FSR, se pose également la question de l’accès aux soins.

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De larges pans des Etats des régions Al-Jazira et de Khartoum, où le ministère de la santé a alerté sur la propagation du choléra, sont ainsi sous la coupe des paramilitaires, échappant de fait au contrôle des autorités sanitaires gouvernementales.

Les deux camps ont été accusés de crimes de guerre, notamment de bombardements aveugles de zones habitées, dans ce conflit qui a fait des dizaines de milliers de morts et provoqué le déplacement de plus de 10 millions de personnes, selon les Nations unies.

Ils ont également été accusés de pillages et d’entrave à l’aide humanitaire, ainsi que d’avoir presque détruit un système de santé déjà fragile, dont plus de 70 % sont désormais hors service, selon l’ONU, qui a qualifié la situation de « l’une des pires crises humanitaires de mémoire récente ».

La grande majorité des opérations humanitaires ont dû être interrompues. Les habitants ne peuvent alors souvent plus compter que sur eux-mêmes. A l’instar de Hassan Al-Junaid, 49 ans, assis devant l’hôpital de Kassala : « Nous avons été déplacés de l’Etat d’Al-Jazira vers celui de Kassala, nous vivons dans de très mauvaises conditions, ce qui a causé l’infection de ma sœur. Je suis seul avec elle, mais je ne peux pas l’accompagner à l’intérieur, car elle a été placée en quarantaine », explique-t-il à l’AFP. « Du coup je reste ici, inquiet pour elle et effrayé à l’idée d’être infecté à mon tour, car si ça arrive, je n’aurai personne pour acheter les médicaments nécessaires. »

Le Monde avec AFP

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