« Pour la Corée du Sud, le développement des liens économiques avec l’Afrique est un sujet vital »

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Comme la France, la Russie, les Etats-Unis, la Chine, la Turquie ou le Japon avant elle, la Corée du Sud organise son sommet avec le continent africain. Pour cette première session, des délégations de 48 Etats étaient invitées, mardi 4 et mercredi 5 juin à Séoul, où le président Yoon Suk Yeol a annoncé son intention de doubler l’aide publique au développement à destination de l’Afrique, pour la porter à 10 milliards de dollars (environ 9,2 milliards d’euros) d’ici à 2030. Françoise Nicolas, chercheuse au sein du centre Asie de l’Institut français des relations internationales (IFRI), revient sur la volonté de Séoul de redynamiser ses relations avec le continent.

Quels sont les enjeux de ce premier sommet pour la Corée du Sud ?

L’enjeu principal est de sécuriser son accès aux minerais africains tout en continuant d’étendre son « soft power ». En soixante ans, la Corée du Sud est passée d’un pays en développement à la treizième puissance économique mondiale : c’est une réussite dont se sert Séoul pour vendre son modèle de développement aux pays africains.

En 2006, le pays a revu son approche du continent africain avec « l’initiative coréenne pour le développement de l’Afrique », du président Roh Moo-hyun (2003-2008). Cette politique a consisté à sécuriser les approvisionnements énergétiques, notamment en pétrole, en nouant des partenariats avec le Nigeria, l’Algérie et l’Egypte.

La même année, la Corée a créé la Conférence ministérielle sur la coopération économique entre la Corée et l’Afrique (Koafec), dont le septième forum s’est tenu en septembre 2023 à Pusan. A cette occasion, elle s’est engagée à accorder un financement de 6 milliards de dollars sur deux ans à l’Afrique pour soutenir la réalisation de projets dans les domaines de la transition énergétique, de l’agriculture et de l’éducation.

Ces dernières années, des entreprises coréennes ont noué des liens avec plusieurs compagnies minières en Afrique. La Tanzanie, dont la présidente, Samia Suluhu Hassan, fait partie de la vingtaine de chefs d’Etat présents à Séoul, a le plus bénéficié de la croissance des investissements sud-coréens dans le secteur minier. Le pays est le troisième producteur africain de graphite et ambitionne de fournir au moins 10 % de l’offre mondiale d’ici à 2030. Ces perspectives ont de quoi susciter l’intérêt du géant coréen de la sidérurgie, Posco, qui veut multiplier par quatre sa production d’anodes de batteries, à 320 000 tonnes, d’ici à 2030.

Ce sommet est l’occasion pour la Corée du Sud, quatrième économie d’Asie, de passer à la vitesse supérieure dans ses relations avec l’Afrique. Avec 30 % des réserves mondiales de minéraux critiques – dont le cobalt, l’étain, le cuivre et le graphite –, le continent semble bien placé pour approvisionner les producteurs de semi-conducteurs et le secteur automobile, dont Hyundai est le cinquième constructeur mondial.

Comment la Corée du Sud se positionne-t-elle par rapport à la Chine ?

Les ambitions coréennes ne sont pas au même niveau que celles de son voisin chinois. Les deux pays ne sont pas forcément en concurrence, car ils n’ont pas la même force de frappe financière. En 2022, le montant cumulé des investissements sud-coréens en Afrique s’élevait à 9,2 milliards de dollars, alors que les échanges bilatéraux étaient de 20,45 milliards de dollars. Ce montant s’approche des 24 milliards d’échanges entre le Japon et l’Afrique mais reste très loin des 257 milliards de dollars d’échanges entre la Chine et le continent.

Le Korea-Africa Business Summit, qui se déroule mercredi, va réunir les responsables gouvernementaux et les chefs d’entreprise des deux parties. Les principaux sujets de discussions porteront sur la coopération dans les infrastructures, la technologie, la santé publique, les minéraux critiques et l’agriculture. Pour Séoul, un développement des liens économiques avec l’Afrique n’est plus une option mais bien un sujet vital. Sans les ressources minières du continent, nécessaires aux batteries et semi-conducteurs, Samsung et LG Electronics auront de sérieuses difficultés à produire.

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De même, les « chaebols », ces conglomérats sud-coréens, ne peuvent que s’intéresser au continent, qui pourrait à terme disposer de la plus grande zone de libre-échange du monde et d’un marché potentiel de 1,2 milliard de personnes.

Comment la Corée du Sud entend-elle dynamiser ses relations avec le continent ?

Avec des échanges commerciaux et des investissements directs sud-coréens qui stagnent depuis 2011, la Corée peine a s’imposer comme un partenaire de poids sur le continent. Pourtant, la collaboration dans le secteur des infrastructures, notamment la construction de routes, de chemins de fer et de ports, peut lui permettre d’avoir plus facilement accès aux ressources minérales stratégiques.

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Une sorte de « partenariat gagnant-gagnant » peut aussi s’établir avec les pays africains en matière de coopération pour répondre au changement climatique. La Corée projette d’investir dans une centrale géothermique au Kenya et dans la construction d’un système de stockage d’énergie par batterie en Afrique du Sud, une première sur le continent. Ces deux journées de rencontres entre dirigeants africains, coréens et industriels peuvent ouvrir la voie à d’autres accords de partenariat économique.

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