En venant de Pristina, la capitale du Kosovo, le décor change soudainement de l’autre côté du pont de l’Ibar qui sépare Mitrovicë – une municipalité du nord du pays, peuplée majoritairement d’Albanais – de Mitrovica, son pendant nord où vivent surtout des Serbes. De ce côté, une marée de drapeaux serbes flotte sur la rue principale, comme sur les devantures des commerces. Côté sud, l’étendard bleu étoilé du Kosovo se mêle aux drapeaux albanais.
Après la guerre du Kosovo en 1998-1999, la déclaration d’indépendance du pays le 17 février 2008, et les tensions survenues dans le nord du petit Etat balkanique en 2011, Mitrovica et Mitrovicë, qui ne faisaient qu’une du temps de la Yougoslavie, sont devenues deux communes distinctes en 2013. Serbes et Albanais y vivent chacun chez soi, au nord et au sud de la ville, séparés par la rivière Ibar. Le pont principal, qui n’est plus emprunté que par les piétons depuis plus d’une décennie, est surveillé nuit et jour par les carabinieri italiens – des militaires rattachés à la force de l’OTAN, la KFOR, sur place depuis 1999.
Traverser côté nord, c’est passer de l’euro, monnaie utilisée au Kosovo, au dinar serbe ; de la langue albanaise à l’idiome serbe, ou encore des plaques d’immatriculation, émises par Pristina, à celles de Belgrade. Les numéros de téléphone ont recours à l’indicatif serbe, distinct des trois chiffres en vigueur au Kosovo depuis 2018. Au nord de l’Ibar, les kiosques vendent une profusion de titres imprimés en Serbie et on préfère y disposer de passeports émis par la « direction de coordination serbe », qui ne donne pas plus accès – sans visa – à l’espace Schengen qu’un passeport kosovar.
Vives tensions
Au nord, des graffitis et des fresques tantôt en cyrillique, tantôt en alphabet latin, rappellent les tensions qui ont secoué le nord du Kosovo d’août à décembre 2022. A quelques mètres du pont, un chien errant prend le soleil au pied d’un drapeau serbe fusionnant avec le drapeau russe. « Le Kosovo, c’est la Serbie, et la Crimée, la Russie », est-il écrit en cyrillique. « OTAN, rentre à la maison, ici c’est la Serbie », affirme un tag sur un kiosque. « On ne se rendra pas », jure une autre inscription, référence à une querelle récente autour de plaques d’immatriculation.
A l’été, le Kosovo a décrété que les 10 000 plaques serbes portant la mention « KM » – la dénomination du Kosovo à l’époque de la Yougoslavie – devraient disparaître quelques semaines plus tard. En novembre, des centaines de policiers, de juges, d’édiles mais également les députés de la minorité serbe du Parlement de Pristina ont démissionné, refusant de mettre en application la disposition.
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