survivre et renaître après avoir vécu l’enfer

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ARTE – MARDI 25 JUIN À 2 H 10 – DOCUMENTAIRE

« Les hommes ont ruiné ma vie. A commencer par mon père, qui me détestait parce que j’étais une fille, puis il y a eu les hommes qui m’ont violée et mise enceinte, celui qui m’a poignardée le jour de mon anniversaire, il y a eu ceux qui ont tué ma mère. Les hommes m’ont pourri la vie. » C’est comme ça que Charity Jimohe voit le monde. Elle n’avait jamais prévu de venir en Europe, ce n’était pas son rêve, ni son destin.

Mais à la mort de sa mère, égorgée de sang-froid, tout a changé. A ce moment-là, Charity, qui a 24 ans, passe un marché avec un passeur du Nigeria : un travail et une éducation en France contre 35 000 euros. Elle se retrouve prise au piège par ses bourreaux qui la forcent à vendre son corps pour les rembourser. Etre prostituée, ça ne s’oublie jamais : les souvenirs hantent Charity et seront toujours dans sa tête, dit-elle. Peut-être qu’elle arrivera à les repousser sur son lit de mort et, encore, ce n’est pas sûr.

La réalisatrice Floriane Devigne a fait de la vie de cette Nigériane un documentaire poignant et essentiel. Les téléspectateurs peuvent suivre Charity jour après jour, les épreuves auxquelles elle doit faire face après avoir vécu quatre ans dans la rue à Nantes. Rongée par les souvenirs de sa mère et de son enfance, elle essaie tant bien que mal de trouver sa place en France, entre rendez-vous chez son avocate et réunions de famille.

Retourner son destin

Dans une salle d’attente, la jeune femme parle avec sa sœur, qui a traversé la Méditerranée sur le même bateau qu’elle. « Quand je repense à notre trajet en mer, je pleure. Tu te souviens quand on a vu les secours ? On a tous éclaté en sanglots. » Cette discussion, Charity et sa sœur l’ont en riant. Elles n’ont jamais cessé de rire, malgré tout ce qu’elles ont vécu. « J’avais un rêve, et j’adore chanter », dit-elle. Même après tout cela, elle chante, elle danse, et elle ne s’arrête pas.

Pour retourner son destin, encouragée par le pasteur de l’église évangélique qu’elle fréquente et par des membres de l’association Paloma, elle franchit un jour de 2016 le seuil d’un commissariat de police pour porter plainte. Un geste rare pour les victimes de trafics d’humains que de se retourner contre leurs tortionnaires.

Grâce à sa plainte, elle a permis à d’autres femmes prisonnières des mêmes hommes qu’elle d’être libérées. A partir de ce moment-là, sa vie a changé, ou plutôt commencé. Elle s’est mariée avec un homme calme, un homme qui la respecte, qui est prêt à aimer comme un père ses deux enfants restés au Nigeria. La cérémonie était belle, elle danse alors, se laisse porter par la musique, elle ferme les yeux.

Après deux longues années d’attente, le procès de la Nigériane a enfin lieu, en mai 2020, à Rennes. Son patron et ses complices sont condamnés à cinq, six et sept ans de prison. Après s’être relevée de l’impossible, Charity Jimohe peut enfin se reposer : justice a été faite, elle est libre.

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En 2022, les services de police français ont enregistré 2 027 victimes de traite ou d’exploitation d’êtres humains, une hausse de 12 % par rapport à 2021. Ce sont les cas comme celui de Charity qui font avancer la cause et les opinions publiques dans le bon sens. Son message : « Vous tous qui voulez venir en Europe, regardez cette vidéo. On dit que l’Europe, c’est le paradis, mais en fait, les gens au Nigeria vivent mieux que nous. »

Juste Charity, de Floriane Devigne (Fr. 2022, 77 min) Disponible sur Arte.tv, jusqu’au 8 juillet.

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