Le pouvoir « s’attelle à mettre en œuvre son projet de ramener la Côte d’Ivoire à l’époque et aux pratiques rétrogrades du parti unique », martèle Jean-Gervais Tchéidé, le secrétaire général de l’un des deux principaux partis d’opposition du pays, le Parti des peuples africains (PPA-CI). « Il s’organise ainsi pour braquer l’élection présidentielle de 2025, incapable qu’il est de compétir [concourir] à la loyale et de gagner une quelconque élection. »
A un an de la présidentielle en Côte d’Ivoire, le PPA-CI (parti de l’ex-président Laurent Gbagbo) a durci le ton, mercredi 9 octobre, au cours d’une conférence de presse consacrée à l’arrestation de Charles Rodel Dosso, le secrétaire général adjoint du parti chargé de la mobilisation de la société civile.
Exigeant sa libération immédiate, Jean-Gervais Tchéidé a dénoncé « des tentatives grossières d’intimider, voire de réduire au silence le PPA-CI et toute opposition politique par la répression brutale et la terreur, en instrumentalisant les forces de l’ordre et l’institution judiciaire ».
L’alerte a été donnée dans la soirée du samedi 5 octobre par le PPA-CI, qui a dénoncé dans un communiqué l’« enlèvement » de M. Dosso à son domicile de Bingerville par un « commando d’hommes armés encagoulés », qui « affirmaient agir sur ordre du gouvernement, mais qui n’ont présenté aucun mandat signé d’une autorité judiciaire ». Quelques heures plus tard, les proches de Charles Rodel Dosso et le PPA-CI apprenaient qu’il était détenu à la préfecture de police.
« Participation à une marche interdite »
Conduit dimanche à la cellule en charge des enquêtes spéciales, le secrétaire général adjoint du PPA-CI a été inculpé le lendemain par un juge du tribunal de première instance d’Abidjan pour plusieurs chefs d’accusation dont « troubles à l’ordre public » et « participation à une marche interdite ». Il a ensuite été transféré au Pôle pénitentiaire d’Abidjan (PPA, ex-MACA) en attendant les conclusions de l’enquête.
Le parquet n’a pas communiqué sur cette arrestation mais, selon la défense de Charles Rodel Dosso, il lui est reproché d’avoir encouragé la population à participer à une marche contre la cherté de la vie et les « déguerpissements » le 13 septembre, à l’initiative de la plateforme citoyenne Agir pour le peuple (AGIP).
Interdit par les autorités deux jours auparavant, le rassemblement, qui se voulait « pacifiste », a été réprimé par les forces de l’ordre, qui ont procédé à 25 arrestations. Parmi les personnes interpellées, neuf ont été acquittées, mais les seize autres ont été condamnées à six mois de prison ferme pour « atteinte grave à l’ordre public ». Parmi elles, le propre fils aîné de Charles Rodel Dosso, Emmanuel Dosso. En outre, trois autres manifestants ont été condamnés à Bingerville.
« Vu son dossier, on n’aurait même pas dû envoyer Charles Rodel Dosso chez le procureur, regrette son avocat, Huyo Kano Blé. Il aurait dû être libéré à la préfecture de police, après l’enquête préliminaire. » Me Kano Blé qualifie également d’« irrégulières » les conditions de son interpellation. « Des agents encagoulés l’ont interpellé à son domicile, alors qu’on ne l’avait jamais convoqué. C’est pourtant ce qu’exige la loi », affirme-t-il.