Un doctorant français qui menait des recherches sociologiques en Tunisie est détenu depuis le 19 octobre dans le pays, sur ordre de la justice militaire, a rapporté jeudi 31 octobre le directeur de son laboratoire de recherches à l’université Aix-Marseille.
« C’est totalement exceptionnel qu’un jeune chercheur français puisse être déféré devant la justice militaire » tunisienne, qui traite généralement des atteintes à la sûreté de l’Etat, a regretté auprès de l’AFP Vincent Geisser, directeur de l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans, rattaché à l’université Aix-Marseille et au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Victor Dupont, âgé d’une vingtaine d’années, mène des recherches sur la trajectoire socioprofessionnelle des « gens qui ont pu être engagés au moment de la révolution de 2011 », premier soulèvement populaire du « printemps arabe », qui a mis fin au régime du dictateur tunisien Zine El-Abidine Ben Ali, a précisé M. Geisser. « Ce n’est pas un sujet politique lié aux dissidents ou opposants, ce n’est pas un sujet sécuritaire, c’est un sujet sociologique classique », a insisté M. Geisser en plaidant pour sa libération.
« Totale mobilisation des services diplomatiques français »
M. Dupont est rattaché au Conseil européen de la recherche, qui finance des programmes scientifiques d’excellence. Il était arrivé en Tunisie une dizaine de jours avant son arrestation pour mener des entretiens.
« Il a été arrêté samedi 19 octobre par la police tunisienne, conduit à un centre d’interrogatoire, placé en garde à vue et, dans la même journée de samedi, déféré devant la justice militaire », selon M. Geisser. Une de ses amies, franco-tunisienne, a elle aussi été arrêtée un peu plus tard et placée sous mandat de dépôt par la justice militaire. « Il y a une totale mobilisation des services diplomatiques français », a souligné M. Geisser. La famille de Victor Dupont est sur place en Tunisie depuis le début de la semaine.
Le pays est dirigé depuis 2019 par le président Kaïs Saïed, accusé par la société civile de « dérive autoritaire », mais qui a été réélu avec 90,7 % des voix le 7 octobre.
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