un rapport fustige une « planification ratée » et un « modèle de police inapproprié »

Un policer pulvérise du gaz lacrymogène sur un fan de Liverpool à l’extérieur du stade, alors que les fans luttent pour entrer avant le match de la finale de la Ligue des champions, entre le Liverpool FC et le Real Madrid, au Stade de France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 28 mai 2022.

Leur travail ne vise pas à instruire un procès, pas davantage qu’il ne constitue un « processus légal formel ». Mais les rédacteurs du rapport d’enquête indépendant commandé par l’Union des associations européennes de football (UEFA), dont Le Monde a pris connaissance – un document de 151 pages, sans les annexes –, et consacré à l’organisation de la calamiteuse finale de la Ligue des champions, le 28 mai 2022, au Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), entre le FC Liverpool et le Real Madrid, n’en dressent pas moins un implacable réquisitoire contre l’incurie des pouvoirs publics en matière de sécurité.

L’enquête, menée pendant huit mois auprès des protagonistes de l’événement par un « panel » de juristes, d’universitaires et de représentants des associations de supporteurs, démontre la responsabilité des autorités françaises dans la mise en danger de milliers de supporteurs britanniques et espagnols, en quasi-totalité pacifiques, menacés d’écrasement à plusieurs reprises, agressés par des bandes de délinquants, aspergés de gaz par les forces de l’ordre. Constat accablant : mieux organisés et plus réactifs que les policiers et les gendarmes chargés de veiller à leur sécurité, ces « fans » de Liverpool ou de Madrid n’ont dû leur salut qu’à une solidarité sans faille et une capacité à se discipliner qui forcent l’admiration dans un contexte aussi résolument hostile à leur endroit.

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A l’origine de ce fiasco, la terreur, inspirée par une « menace hooligan » fantasmée, érigée risque numéro un de la rencontre, a servi de matrice à un enchaînement d’erreurs d’appréciation autour d’une obsession : éviter le scénario du 13 juin 2016 à Marseille, lorsqu’un match de l’Euro entre l’Angleterre et la Russie avait entraîné des affrontements entre hooligans des deux pays. Focalisés sur ce danger, les pouvoirs publics vont ignorer le constat formulé dès 2015 par une délégation du Conseil de l’Europe en France et largement partagé depuis : les violences systématiquement commises par des bandes de délinquants à l’encontre des supporteurs étrangers – une spécialité française qui n’est pas l’apanage de la Seine-Saint-Denis.

Problème des faux billets « exagéré »

Dès le 25 mars 2022, une réunion tripartite entre la Fédération française de football, le Consortium Stade de France (CSDF) et la préfecture de Saint-Denis pointe donc le « risque » posé par la qualification d’un club britannique. « Des milliers de supporteurs anglais pourraient rejoindre Paris pour l’occasion, s’alarme le procès-verbal de la réunion. La plupart de ces spectateurs n’auraient pas de billet pour assister à la finale. » La division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), qui estime entre 50 000 et 70 000 le nombre de supporteurs de Liverpool dépourvus de tickets, a beau préciser qu’un tel phénomène n’a rien d’inhabituel et ne comporte en soi aucun risque particulier, les responsables de la sécurité, préfecture de police en tête, n’en démordent pas : un supporteur privé de billet ne saurait être qu’un trouble-fête.

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