un thriller dans le sinistre univers des locations clandestines

Djo (Moussa Mansaly, au centre) dans « Le Marchand de sable », de Steve Achiepo.

L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

Il est toujours agréable de se laisser surprendre par le film d’un inconnu, de découvrir, au détour d’un premier long-métrage, les promesses d’un cinéaste en herbe. C’est ici le cas avec ce Marchand de sable, de Steve Achiepo, qui cumule vertus d’un film documenté sur une pratique sociale peu reluisante – à la fois répandue et mal connue (les marchands de sommeil) – et tenue esthétique, sans renoncer non plus au sens du romanesque.

Djo (Moussa Mansaly, parfait dans son personnage), tête brûlée et grand gars sympathique, sort de taule et jongle dans sa vie entre mille tracas. Livreur dans une société tenue par un semi-mafieux communautaire baptisé « le Colonel », il tente de se refaire, vit encore chez sa mère dans un appartement bondé dévolu à la solidarité entre originaires, et y loge sa fillette dans des conditions qui déplaisent à son ex-femme, Aurore (Ophélie Bau), qui exerce par ailleurs le métier d’assistante sociale. Lorsque débarquent en France sa tante Félicité (Aïssa Maïga) et ses enfants fuyant le conflit en Côte d’Ivoire et se retrouvant dans le plus grand dénuement, sa vie va se compliquer un peu plus.

Jugeant impossible de la loger décemment chez sa mère, n’ayant pas davantage le courage de la laisser ne serait-ce qu’une nuit dans un foyer d’accueil parisien, où toute la misère du monde se donne rendez-vous dans une terrible promiscuité, il va finalement faire la connaissance, par l’entremise du « Colonel », d’Yvan (Benoît Magimel), un personnage qui semble connaître le marché immobilier comme sa poche et qui, tout en faisant du business lucratif, vient occasionnellement en aide aux personnes dans le besoin. C’est à tout le moins ce que comprend Djo de son activité, qui entre à son service pour gérer ses locations clandestines.

Misère du monde

Ce faisant, croyant à la fois venir en aide à des gens qui se retrouveraient autrement à la merci de la rue, promouvoir sa propre carrière et renchérir son train de vie, Djo met le doigt dans un engrenage qui ne peut être que fatal. Steve Achiepo, qui a sérieusement étudié son dossier, reconstitue à travers ces trois personnages la structure de ce sinistre marché du sommeil. Les hommes de bonne volonté, comme Djo, qui, plus ou moins naïvement, se rachètent une conscience parce qu’ils viennent en aide à autrui. Les mafieux, qui, comme « le Colonel », exploitent les leurs sans l’ombre ni d’une morale ni d’une conscience. Les gestionnaires du trafic, qui, tel Yvan, tirent cyniquement les ficelles en faisant de l’optimisation de biens. Magimel, une nouvelle fois magistral, interprète en l’espèce un personnage pervers, biface, petit fonctionnaire de l’ombre au discours fallacieux d’un côté, odieux flambeur enrichi sur la misère du monde de l’autre.

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