Chaque année, d’innombrables textiles usagés sont envoyés vers les pays du Sud, et notamment le Kenya, où une partie importante d’entre eux finissent dans des décharges à ciel ouvert. « Une part énorme (…) est constituée d’articles en fibres synthétiques », selon la fondation Changing Markets, qui pointe dans un rapport, jeudi 16 février, une situation « alimentée par la production croissante de vêtements synthétiques bon marché fabriqués par des marques du Nord ».
L’organisation propose une estimation de ce désastre écologique, fruit d’une enquête nommée « Trashion », néologisme formé de « trash » (ordures) et « fashion » (mode). Selon ces calculs, sur plus de 900 millions de vêtements usagés (dont 150 millions en provenance de l’Union européenne et du Royaume-Uni) expédiés au Kenya en 2021, « on estime que 458 millions de vêtements usagés sont des déchets inutilisables, et que 307 millions d’entre eux sont susceptibles de contenir des fibres plastiques ».
Le travail de Changing Markets, mené en septembre 2022, s’appuie notamment sur des données douanières et d’import-export. Il est accompagné d’un travail de terrain mené par l’organisme à but non lucratif Wildlight et l’association Clean Up Kenya, qui ont compilé plus de 80 entretiens avec des marchands kényans et se sont rendus sur des sites-clés, comme la décharge à ciel ouvert de Dandora, aux portes de Nairobi, où s’entassent des tonnes d’immondices.
Pollution plastique
« Les impacts de la pollution du sol, de l’eau et de l’air sont considérables », note Changing Markets. L’organisation met aussi en avant les témoignages de Kényans travaillant dans le commerce de seconde main, racontant leurs salaires de misère et le risque pour leur santé, notamment en inhalant les fumées de vêtements synthétiques qui brûlent.
Pour Changing Markets, « les pays occidentaux se servent du commerce de seconde main comme d’une soupape de décompression pour faire face à l’énorme problème des déchets issus de la fast fashion ». La fondation préconise notamment l’utilisation de matériaux non toxiques et durables et la mise en place de filières à responsabilité élargie des producteurs – existant déjà en France. Elle rappelle également que la convention de Bâle interdit l’exportation de déchets vers les pays ne disposant pas de capacités de retraitement adaptées.