Younès Boucif, comédien et rappeur « rebeu des pavillons »

Younès Boucif, à Paris, en septembre 2022.

C’est une charmante maison avec trois chambres, idéalement située à quelques centaines de mètres d’une école, au cœur d’un quartier pavillonnaire calme, qui est décrite par Younès Boucif. Non, il ne s’agit pas d’une annonce immobilière, mais du décor cossu dans lequel a grandi le rappeur et comédien de 27 ans, récemment vu dans la série Drôle de Fanny Herrero, diffusée sur Netflix, en 2022.

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Assis dans le canapé d’un café parisien, un smoothie citron-gingembre à la main, il raconte les questionnements identitaires d’un « rebeu des pavillons », comme il se décrit dans son premier album, sorti en octobre 2022. Mais ce qui l’a fait remarquer du grand public, c’est son rôle dans Drôle, série sur l’univers du stand up parisien, dans laquelle il campe Nezir, un jeune humoriste – ce qu’il n’est pas dans la vraie vie, même s’il affirme être marrant « parfois ».

Avec sa sœur et son frère, l’artiste d’origine algérienne a habité presque toute sa vie à Mont-Saint-Aignan, une sorte de « Wisteria Lane », cette banlieue chic américaine dépeinte dans Desperate Housewives, à quatre kilomètres de Rouen. Le père est professeur d’économie, la mère d’informatique. « Mon père a grandi sans ses parents et ma mère vient d’une famille pauvre. Qu’ils aient réussi à devenir enseignants, à se créer une situation, ça me rend très fier d’eux », déclare Younès. Dans l’histoire de la famille Boucif, il n’y a pas de tour de cité, mais une bâtisse au toit d’ardoise grise, que l’on devine dans son clip Identité remarquable, devant laquelle pose la famille au complet, tous vêtus de noir. La scène n’est pas sans rappeler l’affiche du film de Bong Joon-ho Parasite, dont elle est justement inspirée : « Pour une famille parasite, vous voyez ? », commente le rappeur.

Une partie de « Qui est-ce ? »

Sur les 19 000 âmes qui peuplent la ville, Yassine, un ami de maternelle, décrit un voisinage commun composé « essentiellement de gens qui ne viennent pas des mêmes endroits que nous ». « C’est bizarre : comment ça se fait que je suis là, moi ? », commence à se questionner Younès, vers l’âge de 10 ans, en découvrant que ceux qui lui ressemblent culturellement ne vivent pas dans le coin. Cette idée s’installe pendant un certain nombre d’années : « Je me sens mal par rapport à mes congénères, comme si on m’avait donné quelque chose de trop bien, comme si en tant qu’Arabe il fallait que je sois originaire d’un endroit plus populaire. J’ai un peu honte, je me dis que j’ai trop de chance », se souvient-il.

Sans que le sujet ne soit jamais abordé à la table familiale, son grand frère Adil, de neuf ans son aîné, se fait des remarques du même type, en silence : « Quand on allait au bled en voiture, on roulait dans un beau Renault Espace dernier cri. Les autres, sur le bateau, étaient dans des camions avec des chargements sur le toit. Je me demandais : pourquoi on n’a pas ça, nous aussi ? »

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