A l’Assemblée nationale, entre « Anne » la gaulliste et « Mimi » la communiste, les leçons du passé d’une amitié hors norme

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Elles s’appelaient Anne et « Mimi ». L’une était gaulliste, l’autre communiste. Anne Braun a régné sur les députés UNR, UDR et RPR à l’Assemblée nationale, en tant que secrétaire générale du groupe gaulliste, jusqu’en 1993. « Mimi » Pulvermacher, née Hermine Landini, fut le pilier du groupe du Parti communiste français (PCF), de 1965 à 1998. Dans les années 1980, un simple couloir séparait leurs deux bureaux, qui donnaient sur la cour d’honneur du Palais- bourbon. Les services de l’Assemblée leur avaient demandé si elles acceptaient de partager la même photocopieuse, elles avaient dit oui. Avant de se retrouver le matin à la buvette pour un café, à la grande surprise des députés, ou le soir dans un bistrot proche du grand magasin Le Bon Marché, à bonne distance de l’Assemblée.

Personne ne comprenait bien ce qui liait ces deux femmes élégantes et rigoureuses, alors qu’elles appartenaient à deux groupes antagonistes, même si dans les années d’après-guerre, gaullistes et communistes partageaient un langage commun, forgé dans la Résistance. Mais, plus tard, l’opposition était frontale entre les deux formations. « J’appelle “Mimi” », s’exclamait Anne, quand il s’agissait de régler un problème en séance ou en commission.

Discrets, leurs collaborateurs n’ont jamais posé de questions sur cette amitié singulière. A l’Assemblée, les proches d’Anne Braun avaient noté qu’elle ne se rendait jamais aux enterrements, même des anciens députés qu’elle aimait. Issue d’une famille juive originaire de Pologne et de Russie, elle avait vu partir pour Auschwitz ses deux parents et sa petite sœur de 10 ans, après une rafle à Clermont-Ferrand. Ils ne sont pas revenus. Hermine Landini, elle, était née dans une famille d’antifascistes italiens, immigrés dans le Var. Son père et ses frères, résistants, ont été arrêtés, torturés. A 15 ans, « Mimi » fut elle-même agent de liaison, transportant des messages et des armes, ou conduisant des résistants dans le maquis. La famille de son mari, Chaim Léon Pulvermacher, juif polonais, militant communiste et pacifiste, fut entièrement décimée à Auschwitz. « Anne et moi avions le même amour de la France », résumait « Mimi ».

« Adversaires politiques, elles n’avaient pas les mêmes idéaux, mais des valeurs communes (justice, liberté, humanisme) et, au-delà de la bataille parlementaire, chacune respectait l’engagement de l’autre », avance Dominique Touraine, qui a succédé à Hermine Pulvermacher au groupe communiste, en 1998. L’esprit d’Anne et de « Mimi » a fait des émules. Leurs deux successeurs au Palais Bourbon, Christine Branchu côté RPR et Dominique Touraine côté du groupe GDR (Parti communiste français, Verts, Parti de gauche), ont conservé des liens très étroits.

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