A Nouméa, sur les barrages des citoyens loyalistes, « on a peur »

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Ils ont installé « un feu » ce mardi 28 mai, un brasero posé sur la rue, car les nuits néo-calédoniennes deviennent fraîches. Depuis le 15 mai, juste après l’éclatement de l’insurrection à Nouméa, ces voisins de la Vallée-des-Colons, dans les quartiers sud, se relaient nuit et jour sur une petite barricade. Dans ce périmètre où petites propriétés et logements sociaux cohabitent, le grand lycée professionnel Do-Kamo tout proche, un établissement protestant qui scolarise beaucoup de jeunes Kanak, a tenu. Comme le supermarché Géant, épargné.

« Au début, le barrage était juste filtrant. Mais on a vu beaucoup de gens cagoulés passer dans des voitures avec le drapeau kanaky et on a bloqué car il y a une réelle crainte ici », raconte Yohann, agent public local (il n’a pas souhaité donner son nom, comme les personnes citées par leur prénom). « L’objectif des autres était de brûler le Géant », assure Yves, un retraité, pour qui « les cibles étaient l’économie et le secteur de la santé ». Son cardiologue, illustre-t-il, « a tout perdu alors que 90 % de ses patients sont des Mélanésiens, et il va partir à Tahiti ».

Yves l’admet : « On a peur. » Il tente l’ironie : « Cela fait drôle de se retrouver dans la situation de l’Afrique du Sud, avec ce racisme anti-Blanc très fort », qui s’exprime, selon lui, depuis deux semaines. Le retraité craint même que l’insurrection néo-calédonienne en cours ne marque les prémices d’une possible « opération d’envergure, en fonction de ce que fait le président Macron maintenant, avec d’autres fronts qui pourraient s’ouvrir à Tahiti, Paris, Marseille ou ailleurs » – une vision fantasmée d’une société française menacée de guerre civile et ethnique, loin de la réalité métropolitaine.

« Effet dissuasif »

Alain, ancien salarié de la Société Le Nickel, un pilier de l’économie de la Nouvelle-Calédonie, entreprise minière dont les fours menacent désormais de s’arrêter, craint l’effondrement. « Si les fours s’arrêtent, des milliers de gens vont perdre d’un coup leur emploi et des têtes brûlées vont passer à l’action. On a l’impression que Tein [Christian Tein, le chef de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) indépendantiste] cherche à tout détruire. » Une voisine qui arrive sur les lieux après son travail en cette fin d’après-midi indique que « 4 700 salariés déjà ont perdu leur travail » sur ce territoire de 270 000 habitants.

Quand l’explosion violente de la nuit du 13 mai s’est produite dans l’agglomération de Nouméa, Harold Martin, figure loyaliste, a appelé ses sympathisants à réagir vite. « J’invite alors tout le monde à faire des barrages, des barricades pour se protéger, assume-t-il. Il y a eu aussi un mouvement spontané des gens. Ils ont eu peur quand, la deuxième nuit, ils ont vu qu’étaient attaqués la zone commerciale de Ducos et le grand dock Normandie où sont stockés la moitié des médicaments de la Nouvelle-Calédonie. »

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