Anne Lauvergeon raconte « son » Mitterrand jusqu’au déni

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Trente ans après, l’emprise de François Mitterrand (1916-1996) sur son entourage opère toujours. Ainsi, Anne Lauvergeon, ex-PDG d’Areva, qui dirige aujourd’hui Anne Lauvergeon Partners, sa société de conseil et d’investissement, publie-t-elle, mercredi 17 avril, La Promesse (Grasset, 384 pages, 23 euros), récit impressionniste et reconnaissant de ses cinq années passées dans le sillage de l’ancien président socialiste.

Un soir de juin 1994, François Mitterrand fait promettre à celle qu’il a nommée secrétaire générale de l’Elysée et « sherpa » – représentante personnelle chargée de préparer les sommets internationaux – « d’écrire un jour un livre sur ces années, sur nos échanges, sur nos conversations ». La jeune femme, alors âgée de 34 ans, rechigne : ils sont tellement nombreux, ceux qui vont écrire leur « Mitterrand et moi », voire leur « Moi et Mitterrand », proteste-t-elle. « Fais ce livre dans dix ans, fais-le dans vingt ans. Fais-le quand tu voudras, mais fais-le ! Promets-moi de l’écrire », lui intime François Mitterrand, qui redoutait l’oubli, cette deuxième mort « plus tragique » que la première, parce que définitive.

L’ingénieure des Mines a, de son propre aveu, beaucoup tâtonné avant de trouver le temps du récit, le ton, la méthode. Une première publication est annoncée par Grasset en 2015, qui n’aboutit pas. Elle décide finalement d’aller au plus simple, de « témoigner de ce que j’ai vu, des conversations que nous avons eues, de sa manière de travailler et de son mode de vie ». Mais en s’interdisant de juger ou de prendre ses distances avec celui qui aura pourtant laissé, après quatorze années à l’Elysée, un bilan contrasté.

« Une compartimentation à l’extrême »

Ce récit « personnel » dépeint un Mitterrand « timide », « aux silences impressionnants », adepte de la parole rare sans qu’il soit nécessaire d’y voir l’influence du communicant Jacques Pilhan. Répugnant à se préoccuper des « petits sujets », car un homme d’Etat n’a pas à « se comporter en chef de bureau au ministère des finances ». Ayant su « élever ses retards au rang des beaux-arts », mais supportant difficilement ceux des autres. « Ah, vous voilà Jacques ! Nous vous attendions », lance-t-il ainsi, à l’issue du sommet de Rio en 1992, au président de la Commission européenne, Jacques Delors, qui vient de le rejoindre à l’intérieur du Concorde pour Paris. Avant de se détourner « pour ne plus lui adresser la parole durant tout le voyage ».

François Mitterrand a organisé sa vie « en caissons », parfaitement étanches les uns des autres, témoigne Anne Lauvergeon. Régulièrement invitée aux dîners du dimanche, rue de Bièvre, autour de Danielle Mitterrand, elle apprend par un « conseiller au service de presse de l’Elysée » l’existence d’une fille cachée. « Il a réussi une compartimentation à l’extrême. Il sait arriver et partir d’un cercle donné sans autre argumentation que “je dois partir”, “il est temps” ou “on m’attend”, les jours de grande prolixité », décrit-elle.

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