Au Sénégal, Jean-Luc Mélenchon poursuit son opération séduction en Afrique

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Une entrevue aux airs de retrouvailles. Pour la première de ses quatre journées de visite à Dakar, mercredi 15 mai, Jean-Luc Mélenchon doit rencontrer Ousmane Sonko, le chef du gouvernement sénégalais. Le fondateur de La France insoumise (LFI) devient le premier haut responsable politique français à être reçu par le nouveau pouvoir, six semaines après la victoire de Bassirou Diomaye Faye à l’élection présidentielle sénégalaise.

Une faveur qui tient sans doute au soutien qu’il a apporté ces dernières années aux leaders des Patriotes africains pour le travail l’éthique et la fraternité (Pastef), lorsque le parti était dans l’opposition à Macky Sall. Si, selon Dakar, aucune rencontre n’est « au programme pour le moment » avec le nouveau président, elle n’aurait rien d’incongru.

Juste avant de débuter son séjour en prison, en avril 2023, Bassirou Diomaye Faye s’était entretenu aux côtés de M. Sonko avec Jean-Luc Mélenchon et ses proches en visioconférence durant une heure. « C’était chaleureux et constructif. Nous avons parlé des enjeux monétaires, des échanges commerciaux inégaux envers l’Afrique et de cette oligarchie qui exploite les peuples de part et d’autre » se remémore Arnaud Le Gall, député LFI du Val-d’Oise. En recevant le fondateur de LFI et quatre députés du parti français à Dakar, « il n’y a aucun malaise vis-à-vis des autorités françaises », estime Alioune Sall, le ministre de la communication. « Nous distinguons nos relations privilégiées avec des partis amis et celles, séculaires, avec la France. »

Une rhétorique anti-impérialiste

Sur la scène africaine, Jean-Luc Mélenchon cultive aussi sa différence avec le gouvernement français. Quand celui-ci regardait avec inquiétude la tension grandir ces dernières années au Sénégal, prenant garde de ne prendre parti pour aucun camp, LFI affichait son appui à l’opposition. « Parmi tous les partis politiques français qu’on a contactés pour dénoncer la répression en cours, LFI a été le seul à répondre présent » confirme Alioune Sall. Le Pastef avait ainsi trouvé un relais vocal dans l’arène politique française. En janvier 2023, les députés Aurélien Taché (Nupes) et Arnaud Le Gall (LFI) avaient ouvertement pris parti pour Ousmane Sonko et ses proches, lors d’une intervention à l’Assemblée nationale.

Comme au Sénégal, Jean-Luc Mélenchon, fort de sa rhétorique anti-impérialiste, laboure le terrain africain à la recherche d’alliés et de popularité. En 2021, il s’était rendu au Burkina Faso, dirigé alors par Roch Marc Christian Kaboré, où il avait rendu hommage à la figure de proue du panafricanisme, le populaire révolutionnaire Thomas Sankara.

Fin octobre, en déplacement en Kinshasa, c’est devant le mémorial honorant Patrice Lumumba, héros de l’indépendance congolaise assassiné en 1961, que le Français s’inclinait. Il avait alors rencontré le président Félix Tshisekedi, auprès duquel il avait dénoncé l’inertie de la communauté internationale face à la nouvelle offensive du Mouvement du 23-Mars dans l’Est de la RDC, soutenue par le Rwanda voisin. « On ne peut pas avoir des principes qui s’appliquent à l’Ukraine contre la Russie et ne pas avoir les mêmes à propos de la RDC contre son envahisseur rwandais », avait-il déclaré lors d’une rencontre avec des députés congolais.

Une position alors bien plus ferme que celle de Paris, qui cherche à ménager ses relations avec Kigali, et qui a valu à Jean-Luc Mélenchon une invitation au lancement du livre de Félix Tshisekedi, lors de la visite officielle du président congolais à Paris, fin avril. Dans la salle du couvent des Bernardins (5e), il était assis non loin de la ministre de la culture, Rachida Dati.

« On œuvre pour une diplomatie non alignée qui n’est ni la neutralité ni l’isolement et nous refusons l’enfermement dans l’entre-soi occidental », poursuit M. Le Gall. « Jean-Luc Mélenchon incarne cette autre voix française. Celle du respect, pas du mépris ». Une ligne qui trouve un écho auprès des formations souverainistes africaines. « Il n’est pas dans le double discours. Quand Emmanuel Macron adoube Mahamat Déby Itno, le fils de l’autocrate Idriss Déby Itno [en se rendant en 2021 aux funérailles de ce dernier], tout en dénonçant la dictature ailleurs, cela est incompréhensible. LFI reste constante quand elle dénonce le sort de Gaza et des injustices ailleurs », juge Alioune Sall.

Les votes de la diaspora

Certains des séjours africains de Jean-Luc Mélenchon ont pourtant dérouté les défenseurs de la démocratie, comme celui au Maroc, où le fondateur de LFI a refusé de prendre position sur la question épineuse du statut du Sahara occidental, mais n’a pas retenu ses louanges sur la monarchie marocaine. « Je serais extraordinairement heureux de voir le prince Moulay Al-Hassan [le fils du roi Mohammed VI], la figure de la jeunesse de ce pays, continuer cette longue et belle histoire », a-t-il déclaré en octobre, dans la ville d’Amizmiz, sinistrée par le puissant séisme de septembre. En pleines tensions diplomatiques entre Rabat et Paris, envenimées par le refus des autorités marocaines de retenir l’aide de la France face à la catastrophe naturelle, le natif de Tanger (Nord) est alors reçu par le chef du gouvernement et le plus proche conseiller du roi.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Au Maroc, Jean-Luc Mélenchon couvé par l’élite politique du royaume

Alors qu’avec 836 400 personnes, les immigrés marocains constituent la deuxième population immigrée de France, selon les données de l’Insee de 2022, et que leurs descendants seraient autour de 1 million, la conquête des votes de la diaspora représente un enjeu non négligeable, tout comme celui des Français installés en Afrique, qui en 2022 avaient placé Jean-Luc Mélenchon en deuxième position au premier tour de la présidentielle, derrière Emmanuel Macron.

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Mais LFI jure qu’il n’y a aucun opportunisme électoraliste derrière ses prises de position. « Les “insoumis” soutiennent les peuples opprimés et pas seulement en Afrique. Quel calcul politique y aurait-il à défendre la cause kurde quand on connaît la puissance des réseaux Erdogan en France ? », répond Arnaud Le Gall. « Parler autrement aux forces politiques des ex-colonies, c’est aussi démontrer notre respect pour les populations d’origine africaine qui subissent un racisme débridé, afin de ressouder notre pays. »

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