Les musulmans doivent-ils être inquiets de l’éventuelle arrivée au pouvoir d’une coalition d’extrême droite, me demande-t-on souvent ces derniers jours ? La première réponse est un haussement d’épaules : que vaut cette coalition d’occasion, sans programme ni culture, qui se nourrit d’un cumul de mécontentements, et que pèse-t-elle face à notre grande religion, qui réunit dans leur diversité près de deux milliards de fidèles dans le monde ? Cette coalition est incapable de dire si elle va revenir ou non sur la réforme des retraites, et elle serait en mesure de porter des coups à notre foi ? Allons…
Cela dit, il y aura le quotidien. Et là, nous savons qu’il faudra s’attendre à des réglementations de contrôle, à de nouvelles mesures d’exclusion, avec des situations humaines qui en seront broyées. Notre réplique viendra d’actions en justice, car si une majorité peut changer les lois, elle ne peut pas remettre en cause les droits fondamentaux, protégés par les juridictions internes, européennes et internationales. Nous opposerons le noble droit aux petites réglementations.
Mon inquiétude est réelle, et je n’ai jamais été si inquiet devant l’intolérance qui devient un fait en France. Ce qui fait mal, c’est de voir se développer en France un discours général qui fabrique du consensus en tapant sur l’islam, et collant tous les défauts du monde à la communauté musulmane. Ce discours a tout embarqué et nous devons l’analyser pour le combattre.
C’est une désolation, mais c’est une réalité : oui, l’islam est en cause, à son corps défendant, dans les succès de l’extrême droite. Qu’est-ce que la réalité de l’islam en France ? Cinq millions de fidèles, pratiquant à domicile, et de plus en plus dans des lieux de prière. Des musulmans qui ont été les bons élèves de la laïcité, finançant les bâtiments avec leurs dons. S’il y a certes eu quelques affaires liées au financement d’écoles ou de mosquées ou à des propos hors jeu tenus par tel ou tel imam, cela demeure rare.
L’installation de l’islam dans le paysage français
Le terrorisme des radicalisés a traumatisé la France, avec des tueurs se revendiquant de notre religion. La réponse est venue de la loi, de la police et des juges, et il n’a jamais été montré d’ancrage du radicalisme dans cet islam que nous avons construit en France. Dans notre communauté, il y a une vigilance constante sur tout ce qui peut être le moindre signe de décrochage.
L’expérience me l’a appris : le vrai problème, c’est le fait religieux musulman dans sa normalité. Ce qui ne passe pas, c’est le retour du religieux par l’islam, ce qui permet à des intellectuels en vue d’affirmer qu’il est normal d’être islamophobe. La France, qui était très structurée par le catholicisme, a marginalisé sa religion, mais sans résoudre le problème de fond : le sens de la vie sur terre. Les athées ont une pensée alternative, mais, pour la plupart, cette question est restée en attente. L’islam est venu déchirer ce statu quo, qui n’était qu’un vernis. Ce qui ne passe pas, c’est le retour du religieux.
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