« Avec mes collègues, c’est très facile, mais on reste prudents avec notre hiérarchie »

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Chaque matin, pendant un an, Simon (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille) prenait le train, en gare de Menton-Garavan (Alpes-Maritimes), direction Monaco. Le jeune homme, à l’époque âgé de 21 ans, rejoignait l’entreprise de l’énergie pour laquelle il travaillait en alternance. Un moment difficile à vivre pour lui, tant le trajet était souvent émaillé d’incidents avec des migrants. Un matin, deux policiers l’informent qu’un migrant se trouve en dessous de son siège. « Tout est allé très vite, l’homme est interpellé, les policiers le traitent comme un animal et se moquent de lui. » En arrivant au travail, il fait part à ses collègues de son émotion. Son manageur, qui prend la même ligne de train, raconte la même histoire. D’un autre point de vue. « Il a dit : “C’est horrible, ces histoires ; la dernière fois, c’est moi qui ai dû appeler la police parce qu’un migrant était caché.” »

En juillet, préoccupé par la montée du vote en faveur du Rassemblement national dans sa région de Provence, le jeune homme, qui travaille désormais dans une direction RSE (responsabilité sociétale) d’une entreprise de cosmétique bio, décide de rédiger un message à l’attention de ses collègues. Un texte « pour noter les propositions des partis politiques sur tous les enjeux écologiques ». « Les sujets sociaux sont très présents dans mes missions, j’ai trouvé ça indispensable de prendre position au moment des élections en faisant de la vulgarisation », raconte-t-il. Il rédige un texte qu’il estime « factuel et sans affect » qu’il poste sur l’intranet à destination des 350 salariés. « Dans les cinq minutes, je me suis fait alpaguer par la direction pour me dire que l’on ne pouvait pas faire ça, car ce n’était pas légal. » Selon cette dernière, la ligne rouge était franchie.

Comment parler de politique en entreprise ? Tel est le dilemme pour certains jeunes diplômés fraîchement recrutés. L’actualité de ces derniers mois – élections législatives, montée du vote pour l’extrême droite et austérité budgétaire – a multiplié et ravivé les occasions d’aborder les sujets chauds au bureau. Si la liberté d’expression est un principe gravé dans la Constitution, « elle peut être limitée pour favoriser le bon fonctionnement de l’entreprise », rappelle l’avocate en droit social chez Bersay Anne-Lise Puget. Un principe qui semble compris par une majorité de salariés. Dans un sondage réalisé en 2022 au moment de l’élection présidentielle, Linkedin révélait que 52 % des salariés abordaient la politique avec « diplomatie », quand 33 % estimaient que le sujet était « trop risqué ».

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