Boualem Sansal, écrivain dissident et provocateur

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Avec son humour pimenté et son goût pour la provocation, le romancier franco-algérien Boualem Sansal a longtemps attribué au peu d’éclat que la figure de l’écrivain revêt dans son pays natal le fait qu’on l’ait laissé en liberté, malgré les campagnes de presse régulières menées contre lui. « Le postier de mon village, racontait-il au Monde, m’a demandé un jour ce que je faisais de tous les livres que je recevais. Je lui ai répondu, de guerre lasse, que j’étais écrivain. “Ecrivain public”, répond le fonctionnaire ! Il m’a montré une table et m’a dit que je pouvais venir rédiger ici le courrier des gens pour les administrations. »

Son arrestation, le 16 novembre, à l’aéroport d’Alger, et le mandat de dépôt dans une unité pénitentiaire d’un hôpital de la capitale algérienne (contre lequel il a interjeté appel) viennent démentir le solide optimisme qui anime ses livres, où derrière la noirceur pointent toujours à l’horizon des réconciliations possibles. Ainsi, dans Abraham ou la cinquième alliance (Gallimard, 2020), s’ébauche le projet d’une harmonisation future entre les religions.

Auteur d’expression et de culture françaises, Sansal s’était fait un devoir de rester en Algérie, vivant depuis la fin de ses études dans la ville universitaire de Boumerdès, à 45 kilomètres d’Alger, au sein d’un environnement relativement protégé. Mais cet opposant de toujours à l’islamisme, ce scientifique dont le dernier roman, Vivre. Le compte à rebours (Gallimard, 240 pages, 19 euros), paru en janvier, dépeint une Terre vouée à disparaître dans un trou noir, cet homme qui estime « qu’il n’y a plus rien à attendre des religions », constatait que même Boumerdès finissait par se couvrir de mosquées.

Ecrire de l’Algérie

Pour lui, écrire de l’Algérie a donné du sens à une parole que l’exil n’aurait fait qu’assourdir. Ce n’est que récemment qu’il a songé à s’installer en France, à l’instar de son ami l’écrivain et journaliste Kamel Daoud, récent Prix Goncourt pour Houris (Gallimard, 416 pages, 23 euros). « Dans les systèmes dictatoriaux, expliquait Sansal au Monde en 2018, l’individu est victime et acteur à la fois. On est soit acteur engagé, soit acteur par son silence, car le silence vaut approbation. La littérature algérienne des premières années de l’indépendance était tout entière construite sur des allusions. Une véritable censure administrative s’exerçait, et, au-delà, il y a eu des mises à mort, des exclusions… Les rêves d’évasion ne trouvaient jamais à se concrétiser, sauf à partir à l’étranger. » Mais « quand on peut s’attaquer à des tabous de la société, sur place, c’est formidable », s’empressait-il d’ajouter.

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