Après le Sénat en octobre, c’est désormais à l’Assemblée nationale de se pencher sur les raisons du dérapage budgétaire survenu en 2023 et 2024. La commission des finances, qui s’est dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête sur ce sujet, a auditionné dans ce but l’ancien ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, jeudi 12 décembre.
Mis en cause par les oppositions pour des prévisions du déficit public pour 2024 qui sont passées de 4,4 % en début d’année à 6,1 % du PIB au début d’octobre, M. Le Maire s’est dit « responsable de tous [ses] actes, de toutes [ses] décisions, de tous [ses] choix comme ministre des finances ». « Je suis responsable des erreurs de prévision sur les recettes de mes services qui étaient sous mon autorité », a-t-il ajouté, se disant aussi « responsable des dépenses qu[’ils ont] engagées pour faire face au Covid et à la crise inflationniste ».
L’ancien ministre de l’économie et des finances a toutefois jugé « très facile » de lui faire porter la « responsabilité de la dégradation des comptes publics en 2023 et en 2024. Si facile que tout le monde ou presque depuis [son] retrait de la vie publique a emprunté ce chemin dans un unanimisme suspect, indigne de notre démocratie ».
Devant les sénateurs, au début de novembre, M. Le Maire avait estimé qu’il n’y avait « eu ni faute, ni dissimulation, ni volonté de tromperie, mais une grave erreur d’évaluation des recettes ». Il avait alors considéré que l’« ouragan » budgétaire était « lié à 80 % » à une évaluation erronée des recettes par les services de Bercy, évaluation sur laquelle l’ex-ministre affirme n’avoir pas eu son mot à dire.
« Déni collectif »
Durant ce propos liminaire avant de répondre aux questions des députés de la commission des finances jeudi matin à l’Assemblée, Bruno Le Maire a également rejeté la faute de la situation budgétaire sur les oppositions. « A quel moment a-t-il été sérieusement question du redressement des comptes de la nation dans vos débats ? Jamais », a-t-il lancé.
L’ancien ministre ne souhaite pas « porter la responsabilité de cet aveuglement collectif qui [leur] interdit de voir une chose simple : ni les impôts ni les bouts de ficelle ne régleront le problème de la dette et des déficits en France, qui remonte à cinquante ans ». « En sept jours avec la censure, vous avez fait dérailler à nouveau la France », a aussi lancé M. Le Maire aux députés, en les accusant par trois fois d’« hypocrisie ». « Notre chômage de masse, notre effondrement industriel depuis 1980, notre modèle social, le poids des retraites sont les seules véritables explications de la situation où nous sommes », a-t-il assuré.
Après les auditions réalisées en octobre et novembre, les sénateurs de la commission des finances avaient, eux, visé sans ménagement les macronistes sur les causes de ce dérapage budgétaire, déplorant un « déni collectif » et des « calculs à courte vue ». « Le gouvernement connaissait en réalité l’état critique de nos finances publiques dès le mois de décembre 2023. Il aurait dû, selon nous, réagir vigoureusement. Mais il ne l’a pas fait », avait alors fustigé le président socialiste de la commission des finances, Claude Raynal.