Ce qu’il faut retenir de la conférence de presse d’Emmanuel Macron sur les législatives anticipées

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Devant des membres du gouvernement et de nombreux journalistes rassemblés Pavillon Cambon Capucines, à Paris, Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse, mercredi 12 juin, afin de dévoiler son plan de bataille à dix-huit jours des législatives anticipées.

Le chef de l’Etat a surpris dimanche en annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale, après les résultats des européennes qui ont mis son parti loin derrière le Rassemblement national. Cette conférence lui a permis de lancer la campagne de la majorité présidentielle et de donner le cap de son camp, déroulant un programme aux accents droitiers. Le but est « de pouvoir gouverner », a-t-il plaidé, assurant « ne pas vouloir donner les clés du pouvoir au Rassemblement national en 2027 ».

Voici les différents points abordés par le chef de l’Etat.

• Dissolution de l’Assemblée nationale

Pour justifier sa décision, Emmanuel Macron a d’abord évoqué la majorité relative dont dispose Renaissance à l’Assemblée nationale depuis sa réélection en 2022. Si « beaucoup de choses ont été faites, des décisions prises, des textes utiles ont été passé », « cette situation a rendu l’action moins lisible et ne nous a pas permis, hélas, de bâtir des coalitions durables », a regretté le chef de l’Etat.

M. Macron a pointé « l’attitude en particulier de certains députés de La France insoumise », qui a selon lui « créé un désordre » à l’Assemblée, « inquiétant pour les Français, qui, très souvent d’ailleurs, ne se retrouvaient plus dans nos institutions ».

Le chef de l’Etat a également soulevé une « équation parlementaire » devenue « intenable », « les oppositions ayant dit plusieurs fois leur volonté de voter une motion de censure à l’automne ». Emmanuel Macron dit avoir donc « pris acte d’un blocage qui conduisait inéluctablement à empêcher le gouvernement d’agir, ce qui devenait dangereux pour la France ».

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Il a ensuite évoqué le vote de dimanche aux européennes, qui a « placé les forces d’extrême droite à près de 40 % et les extrêmes à près de 50 % ». « C’est un fait politique qu’on ne saurait ignorer », a-t-il estimé, soulignant « l’inquiétude » des électeurs sur les questions de sécurité, d’immigration, de pouvoir d’achat. « A tous ces messages, nous ne pouvons rester indifférents ou sourds et nous devons apporter une réponse démocratique », a-t-il jugé, estimant que seule une dissolution pouvait permettre « la clarification des choses ».

« Je pense que le retour au peuple, ça doit jamais être incompréhensible. C’est un principe démocratique », a-t-il défendu, « assumant totalement » cette décision.

• Potentielle cohabitation avec le RN

Les « deux tiers des Français comprennent et veulent cette dissolution », a assuré le chef de l’Etat. Selon lui, « tout le monde voyait monter l’eau de l’extrême droite » mais « chacun menait sa barque ». « Je ne veux pas donner les clés du pouvoir à l’extrême droite en 2027. Je veux un gouvernement qui puisse agir pour répondre [aux] exigences » des Français, a-t-il assuré.
Pour lui, proposer des élections législatives anticipées, « c’est permettre de gouverner à des forces politiques qui ont été choisies par les Françaises et les Français ». « Si les gens ont peur de cela, le sursaut, c’est pour maintenant ! », a-t-il exhorté.

Emmanuel Macron a balayé l’idée d’une potentielle démission après une défaite aux élections législatives : « C’est absurde », a-t-il répondu. « Je veux tordre le cou à ce canard qui n’existe pas », a lancé le président, rappelant avoir été élu « deux fois ».

• Tracations à droite et à gauche

Emmanuel Macron estime que « depuis dimanche soir » et l’annonce de la dissolution « les masques tombent ». Pour le chef de l’Etat, ces législatives anticipées sont aussi « une épreuve de vérité entre ceux qui choisissent de faire prospérer leur boutique et ceux qui veulent faire prospérer la France ».

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Il est notamment revenu sur la crise à droite après l’annonce du président des Républicains (LR), Eric Ciotti, de son souhait de s’allier avec le RN. « La droite républicaine, tout au moins celui qui en a la charge, vient de faire pour la première fois alliance avec l’extrême droite », a-t-il déploré. Pour Emmanuel Macron, Eric Ciotti, qui a « fait un pacte du diable », « tourne le dos en quelques heures à l’héritage du général de Gaulle, de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy ». Il a notamment moqué le fait que M. Ciotti, qui s’est positionné en faveur de la retraite à 65 ans, s’allie avec le RN qui s’était montré contre la réforme des retraites adopté en 2023.

Il a également évoqué les tractations à gauche entre les socialistes, les « insoumis », les écologistes et les communistes, ironisant sur les alliances « contre nature ». « La gauche républicaine et ses dirigeants, qui avaient exprimé, semble-t-il, des choix clairs durant cette campagne européenne, vient de s’allier avec l’extrême gauche, qui s’est, durant la même campagne, rendu coupable d’antisémite, [de] communautarisme, d’antiparlementarisme », a-t-il fustigé.

M. Macron a ainsi dénoncé ces « bricolages d’appareil » et ces « alliances contre nature aux deux extrêmes, [entre des partenaires] qui ne sont d’accord sur à peu près rien, sinon les postes à partager, et qui ne seront pas en capacité d’appliquer un quelconque programme ».

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• Promesse d’« autorité républicaine » et de « fermeté » dans le respect des « valeurs » de la République

Le président de la République a évoqué les « axes prioritaires » et la « méthode » de gouvernement qu’il souhaite mettre en place, en cas de victoire aux législatives. Il a notamment promis « l’autorité républicaine à tous les étages », « plus de fermeté », « mais dans le cadre de la République et de ses valeurs », par opposition « aux deux extrêmes » qui se situent selon lui hors de ce champ.

Pour remplir ces objectifs « d’autorité républicaine », il a promis de « réduire l’immigration illégale » via la mise en oeuvre des textes européens, mais aussi « la reprise en main par l’Etat et le meilleur contrôle de la question des mineurs non accompagnés » qui sont celui lui « un problème de sécurité ». Il a souhaité aussi répondre « avec plus de fermeté » à la « montée de la violence des mineurs qui mine la cohésion nationale ».

• Laïcité

Emmanuel Macron a promis d’« ouvrir un grand débat sur la laïcité », suivi de « mesures claires sur les sujets qui sont à régler et à trancher », estimant que la « religion ne doit [pas] permettre de sortir des lois de la République ou de se placer au-dessus de celle-ci ».

• Interdiction du téléphone « avant 11 ans » et des réseaux « avant 15 ans »

Il a également proposé de ne pas permettre « l’usage des téléphones avant onze ans » et « surtout », « l’accès aux réseaux sociaux et leur usage avant l’âge de quinze ans », ne précisant pas comment il entend mettre en place cette interdiction. « Il faut un âge pour la majorité numérique, ça protège et il faut former pour cela ». Cette proposition est dans la ligne du rapport remis au président par une commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans.

Le projet d’instaurer une majorité numérique à 15 ans figurait déjà dans le programme de la majorité présidentielle pour les européennes. Mais, l’aspect pratique d’implémentation d’une telle mesure reste à définir.

• ASE et école

Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de généraliser le service national universel, décrié par une partie de l’opposition, d’ici à la rentrée 2026, afin de « recréer des rites républicains ».

Emmanuel Macron a promis de « rebâtir notre Aide sociale à l’enfance (ASE) » et aussi de « rebâtir notre école républicaine » en « redonnerant le pouvoir aux professeurs qui auront plus de liberté pédagogique, aux directeurs qui pourront rémunérer, recruter plus librement ». Il promet aussi des « contrats avec les parents », « le renforcement des mathématiques, le remplacement des heures d’absence, l’amélioration de l’orientation ».

• Huits nouveaux réacteurs nucléaires

Le président de la République a confirmé vouloir construire « huit nouveaux réacteurs nucléaires » EPR2, en plus des six premiers réacteurs déjà confirmés. Ceux-ci sont selon lui « indispensables » à la transition énergétique du pays, qui s’est engagé à sortir des énergies fossiles. En février 2022, avant même la guerre en Ukraine, le président avoir annoncé une ambitieuse politique de relance du nucléaire prévoyant la construction de six réacteurs de nouvelle génération avec une option pour huit supplémentaires.

• Pouvoir d’achat

Pour Emmanuel Macron, « le travail doit mieux payer » en étant « plus ambitieux pour mieux partager en quelque sorte les revenus du travail et de la richesse ». Il souhaite notamment élargir les primes Macron, sans charge et sans impôts, aux indépendants. Il plaide aussi pour « rouvrir le grand sujet du temps partiel subi des emplois rémunérés sous le smic », alors qu’il n’y a jamais eu autant de salariés au niveau du salaire minimum.

Par ailleurs, le chef de l’Etat a fait « un mea culpa » sur le sujet du « logement des jeunes »« C’est un sujet sur lequel nous n’avons pas assez avancé et où la France a été trop timide et j’en porte la responsabilité », a-t-il déclaré.

• Les retraites « seront bien indexées sur l’inflation »

Emmanuel Macron a promis que les retraites resteront « bien indexées sur l’inflation », contrairement aux affirmations du Rassemblement national qui affirme que le gouvernement a un « agenda caché » sur le sujet.

« Le pouvoir d’achat des retraités, ce n’est pas une variable d’ajustement », a assuré M. Macron qui a accusé « les blocs d’extrême gauche » et « d’extrême droite » de mettre le système de retraite « en banqueroute » en proposant de revenir sur la réforme des retraites de 2023.

• Supression d’un échelon territorial

Emmanuel Macron a affirmé qu’« il faudra supprimer un échelon territorial », afin de « ramener plus de simplicité et de liberté sur les territoires ». Le chef de l’Etat a plaidé pour « rouvrir la question de ces grandes régions » mises en place par François Hollande, qui ont, d’après M. Macron, « éloigné la décision » politique des citoyens.

• Suspension de la loi électorale sur la Nouvelle-Calédonie

« Pour donner toute sa force au dialogue sur place et au retour à l’ordre », Emmanuel Macron a décidé de suspendre le projet de loi constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie voté par l’Assemblée nationale et le Sénat qui avait donné suite à des violences inédites durant plusieurs semaines dans l’archipel.

• Réformes en cours à l’Assemblée nationale

Sur la réforme de l’assurance chômage – « importante pour le pays et indispensable » – qui devait être mis en place dès le 1er juillet, Emmanuel Macron semble temporiser en estimant qu’il « y a un temps électoral »« Ça doit se reprendre. Après, est-ce que ça doit passer par l’Assemblée ? Est-ce que ça doit passer par un décret ? On le verra le lendemain » du scrutin, a-t-il expliqué. « Je pense que la réponse est bonne donc je l’assume », a-t-il également fait savoir, estimant que cette « réforme a été bien préparée par le gouvernement ». Avant d’ouvrir la porte à une évolution de la réforme : « Si certains veulent la améliorer, la changer, je peux pas vous dire, je crois dans la co-construction et vous dire c’est intangible. »

Emmanuel Macron a également jugé « important » les projets de loi sur la fin de la vie, et celui sur l’agriculture, sans toutefois en dire plus. Au sujet de la « stabilité fiscale » qu’il a évoquée au cours de son propos liminaire, Emmanuel Macron a rappelé son bilan : « Ce qu’on fait depuis sept ans, c’est la baisse des impôts. Je le dis parce qu’il y a une majorité depuis sept ans qui a supprimé la taxe d’habitation, qui a supprimé la redevance audiovisuelle, qui a baissé de 30 milliards les impôts pour nos compatriotes. »

Sur le projet de loi réformant l’audiovisuel public, M. Macron a confirmé son souhait d’avoir un texte qui « doit se reprendre dans l’apaisement ». « Est-ce que je pense qu’il faut une réforme pour l’audiovisuel public ? La réponse est oui. Est-ce que je pense que c’est le retour à l’ORTF ? La réponse est non », a-t-il résumé.

Le Monde

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