Les textes sur le logement sont souvent peu lisibles pour les non-initiés, mais il faut reconnaître que l’exposé des motifs du nouveau projet de loi « relatif au développement de l’offre de logements abordables », qui sera débattu mi-juin au Parlement, en donne clairement le sens.
La première phrase évoque l’existence d’une crise du logement « depuis 2022 ». La deuxième nous dit : « Les classes moyennes sont, de plus en plus, confrontées à la difficulté de se loger à un coût abordable à proximité de leur lieu de travail, en particulier en zone tendue. »
Vous pouvez poursuivre la lecture : pas un mot sur l’explosion du nombre de sans-abri, les familles hébergées par d’autres familles, celles qui sont logées en suroccupation ou dans l’insalubrité, les smicards qui consacrent 40 % de leurs revenus à leur loyer, les jeunes salariés dans l’incapacité de quitter le domicile de leurs parents, les étudiants en galère…
70 % des ménages éligibles
Cette loi n’affiche pas l’ambition de s’attaquer à la crise structurelle qui, depuis plusieurs décennies, augmente le coût du logement pour tous et condamne les plus fragiles à la rue ou au mal-logement. Elle vise les « classes moyennes », notion suffisamment floue pour qu’une majorité de nos concitoyens croie être concernée.
La réalité est que 70 % des ménages ont des ressources les rendant éligibles au logement social, et que c’est de ce type de logements qu’ont besoin ceux pour qui les loyers de marché sont devenus inabordables. Le logement intermédiaire, que le gouvernement veut développer, concerne des personnes dont les ressources sont supérieures à la moyenne : le plafond de revenu imposable pour un couple avec deux enfants atteint 102 000 euros sur Paris et la petite couronne, le loyer 1 400 euros pour un logement de 75 mètres carrés.
On me dira que le texte ne se limite pas au logement intermédiaire. L’exposé des motifs dit fort justement : « Il faut donc produire plus : plus de logements libres, plus de logements intermédiaires, plus de logements sociaux, partout où sont nos besoins et nos emplois. » Oui, mais ce n’est pas ce qui résultera de cette loi : si elle est adoptée en l’état, la chute de la production de logements sociaux va s’amplifier.
Pourquoi sommes-nous passés de 113 000 logements financés en 2017 à seulement 82 000 en 2023 ? Depuis 2018, l’Etat taxe les organismes HLM à hauteur de 1,3 milliard d’euros par an à travers un dispositif pudiquement appelé « Réduction de loyer de solidarité », la solidarité consistant ici à leur faire financer la réduction des dépenses d’aide personnalisée au logement (APL) de l’Etat.
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