« Comme aux Etats-Unis, une polarisation est à l’œuvre en France, nourrie par le sentiment de relégation des milieux populaires et de déclassement des classes moyennes »

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Dans le brouhaha politique ambiant, il arrive que des événements historiques rendent muet ou presque. Mises bout à bout, les réactions en France à l’élection de Donald Trump apparaissent à la fois pauvres et convenues.

L’extrême droite a contenu sa joie, consciente au-delà de réelles affinités qu’il y avait quelque risque à valoriser un personnage aussi sulfureux à un moment où l’affirmation de l’« America first » risquait de compliquer sérieusement la défense de la cocarde tricolore. La gauche a exposé ses divisions, La France insoumise mettant la défaite du camp démocrate sur le compte d’une insuffisance de radicalité, à la différence des sociaux-démocrates qui ont préféré, à l’instar d’Anne Hidalgo, s’en prendre à la dégradation du débat public, « [aux] fake news, [à] la violence, [aux] injures, [à] la remise en cause permanente de l’Etat de droit ». La droite, quasi muette sur l’événement, a accentué son offensive sécuritaire, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, servant de tête de pont dans la lutte contre le trafic de drogue érigée en cause nationale.

La voix la plus forte est paradoxalement venue des rangs d’un camp réputé modéré : le centre. Dans un entretien au Parisien, dimanche 10 novembre, le ministre des affaires étrangères issu du MoDem, Jean-Noël Barrot, a dénoncé des « décennies d’aveuglement des élites sur les bouleversements du monde, leur déni de l’exaspération légitime des classes moyennes fatiguées de se sentir déconsidérées et dépossédées ». Le cœur du problème est là, mais comment y répondre ?

L’élection de Donald Trump est un séisme. Le personnage avait tout pour se disqualifier : délirant, menteur, xénophobe, poursuivi par la justice, menaçant pour la démocratie. Quatre ans après avoir initié la marche de ses supporteurs sur le Capitole, à Washington, le 6 janvier 2021, le milliardaire remporte le vote populaire, contrôle la Chambre des représentants, le Sénat, la Cour suprême et verrouille le Parti républicain. D’« accident de l’histoire », il est devenu l’accoucheur du trumpisme, un conservatisme combinant libéralisme économique et isolationnisme, un populisme mariant défense bien comprise des intérêts des milliardaires et dégagisme radical visant notamment les élites intellectuelles, un virilisme faisant l’éloge de la force dans un monde de plus en plus dominé par elle.

Batailles judiciaires

Replacée à l’échelle hexagonale, la performance électorale de Donald Trump correspond au rêve qu’avait caressé Eric Zemmour pendant la campagne présidentielle de 2022 : unir dans les urnes la bourgeoisie patriote anti-impôt et les classes populaires en rébellion contre le système. La où le fondateur de Reconquête ! avait terminé sa course à 7 % des suffrages exprimés, Donald Trump réalise le grand chelem sans obtenir de raz de marée électoral, mais en consolidant et en élargissant sa base électorale après quatre années d’opposition dominée par ses batailles judiciaires.

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