comment le mal-être au travail pèse sur les choix électoraux

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De son propre aveu, Eliane (prénom d’emprunt), 52 ans, n’avait « jamais été très politisée ». « Jusqu’à ce qu’on soit vendus de cette manière brutale », explique-t-elle. En redressement judiciaire, son entreprise, La Halle, a été rachetée en 2021 par le Groupe Beaumanoir. Préparatrice de commandes dans l’Indre, elle fait partie de ceux qui ont conservé leur poste. « Vingt ans de nuit ! Ce n’est pas de ça que je me plains. C’est de la façon dont on traite les salariés, résume-t-elle. Une entreprise, c’est normal qu’elle veuille gagner de l’argent, mais il y a des façons de faire ! »

Elle évoque ces actionnaires n’ayant « pensé qu’à eux », et pas aux 294 collègues qui, dans l’Indre, ont perdu leur emploi. Le décalage entre la réalité de l’organisation du travail et les discours quotidiens sur la bienveillance, « le mot à la mode ». « C’est tout en façade. Ce qu’ils veulent, c’est de la productivité, même si la sécurité n’est pas là », dit-elle, profondément indignée. Evoquant aussi comment une machine, le « trieur », a réduit toute initiative à son poste de travail. Autant de signes d’un « manque de respect » qui s’incarne aussi dans le fait de n’être « jamais informée à temps » de ce qui se passe dans l’entreprise. « Il y a peu de temps collectifs. »

Cette rage accumulée lui a fait, dit-elle, changer sa façon de voter. Pour la première fois, en 2022, au second tour, elle a choisi la candidate du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen. Contre Emmanuel Macron. Pour le premier tour des élections législatives, le 30 juin, et systématiquement désormais, affirme-t-elle, elle votera « à gauche au premier tour, puis, s’il le faut, contre Macron ».

« Une attente de justice démocratique dans le travail »

Les raisons d’un vote ou d’une abstention ne s’ancrent pas seulement dans un territoire ou dans des difficultés de pouvoir d’achat. Comme Eliane, nombre des Français rencontrés ces dernières années, que Le Monde a recontactés depuis le 9 juin, estiment que leur mal-être au travail a pesé sur leur choix. « Les gens ont une attente de justice démocratique au travail, ils veulent avoir leur mot à dire sur ce qui les concerne, notamment sur l’organisation ou la répartition des profits. Tout cela mobilise leur conception de ce qui est juste et injuste. C’est une expérience politique plus forte que celle d’aller voter une fois tous les cinq ans, souligne Isabelle Ferreras, professeure à l’Université catholique de Louvain (Belgique) et chercheuse associée au Center for Labor and a Just Economy à l’université Harvard (Etats-Unis). Comment imaginer que le fait de ne pas se sentir respecté au quotidien dans son travail n’ait pas d’impact sur les comportements électoraux ? »

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