« Dissoudre l’Assemblée issue du suffrage universel est tout sauf un acte anodin en démocratie »

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L’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale plonge le pays dans un mélange d’interrogations, de perplexité et même de sidération. Quelles analyses peuvent être faites de ce « pari fou », une expression en vogue depuis l’annonce ? Trois lectures se dessinent face à cette dissolution.

La première est celle d’une manœuvre tactique du chef de l’Etat pour reprendre la main et l’initiative d’une situation qui lui a échappé dès sa réélection, en 2022. Bien que missionnant Elisabeth Borne en début de mandat pour trouver des « majorités de projets », le chef de l’Etat n’est jamais parvenu à résoudre l’équation presque impossible sous la Ve République d’un pouvoir privé de majorité parlementaire. L’arrivée de Gabriel Attal à Matignon n’a rien changé à cette donne. La tactique du chef de l’Etat consisterait dès lors à pousser les oppositions dans les retranchements de leurs contradictions pour sauver son mandat : contraindre Les Républicains à le soutenir, fragmenter la gauche en misant sur les tensions internes, mettre le Rassemblement national (RN) au pied du mur.

La seconde lecture est celle d’une manœuvre plus stratégique, qui se projette déjà vers 2027 et même au-delà : remettre en exergue le clivage fondateur et principiel entre les « progressistes » et les « conservateurs », le faire renaître de ses cendres sous la forme d’un nouveau combat entre les forces du bien (« l’arc républicain ») et celles du mal (« les nationalistes, les démagogues »). Cette stratégie miserait alors tout sur les tensions internes à la gauche et à la droite, ainsi que sur l’hypothèse que le macronisme a conservé sa force centripète pour attirer des particules de gauche et de droite vers le centre.

Conséquences nationales spectaculaires

La troisième lecture est moins favorable, voire clairement négative ou sombre, pour l’exécutif. Ni manœuvre tactique ou stratégique, la dissolution de l’Assemble nationale ne serait avant tout qu’un terrible aveu d’échec pour le pouvoir. Contraint par l’écrasante victoire du RN, le chef de l’Etat n’aurait alors pas eu d’autre choix que d’obtempérer à la demande de ce parti, qui avait clairement exprimé son souhait d’une dissolution en cas de victoire le 9 juin. Marine Le Pen avait d’ailleurs fait de la dissolution, voire d’une démission du chef de l’Etat en cas de victoire du RN, l’une des conditions d’un éventuel débat avec le chef de l’Etat pendant la campagne électorale.

Ce sont bien sûr les résultats du 30 juin et du 7 juillet qui trancheront entre ces trois grilles de lecture et nous diront quel sens, a posteriori, on peut donner à cette dissolution surprise. Car, en vérité, le sens politique de cette dissolution a bien du mal à être mis au jour au lendemain de son annonce.

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