Lundi 10 juin, au lendemain de l’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron se rend à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), ville martyre, dans le cadre des célébrations du 80e anniversaire de la Libération. Il croise un grand patron, familier de l’Elysée, qui lui glisse un mot d’encouragement : « Ça va, pas trop dures, ces journées ? » Le chef de l’Etat sourit : « Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent… »
Emmanuel Macron a toujours laissé entendre qu’il méprisait la politique et ses représentants, lui qui n’a jamais été élu avant d’accéder à l’Elysée. En 2016, la « grande marche » lancée pour sonder les Français, avant l’élection présidentielle, avait, selon lui, permis de mesurer la défiance de ces derniers envers la politique, perçue comme source de divisions et de blocages, cause du dysfonctionnement du système depuis trente ans. La « start-up nation » promise par le candidat d’En marche ! serait « dépolitisée », « désidéologisée », visant l’efficacité. « Je n’aime pas la politique, j’aime faire », avait-il confié en 2017 à l’écrivain Philippe Besson, devant lequel il décrivait les élus et chefs de parti comme « des commerçants qui tiennent un bout de rue ».
Le 12 juin, lors d’une conférence de presse destinée à expliquer les ressorts d’une folle dissolution, il a de nouveau fustigé les partis et leurs supposées combines. « Depuis dimanche soir, les masques tombent », a-t-il lancé, seul sur une scène blanche, devant ses ministres au grand complet qui l’écoutaient, sages ou glacés. « C’est aussi une épreuve de vérité entre ceux qui choisissent de faire prospérer leur boutique et ceux qui veulent faire prospérer la France. »
C’est pourtant un tout autre visage qu’a montré Emmanuel Macron depuis son arrivée à l’Elysée, en 2017. Après avoir tancé « l’ancien monde », à qui il reprochait – parfois avec justesse – tous les maux, il a lui-même donné le sentiment de se perdre dans la tactique politicienne, obsédé par son projet d’éradiquer la gauche et la droite pour installer son face-à-face avec les populismes, qui garantissait son pouvoir. Les macronistes déçus ont coutume de dire que leur ex-champion, qui était attendu comme un grand réformateur et un piètre politicien, s’est montré à l’inverse un réformateur tiède, doublé d’un redoutable tacticien qui se passionne en réalité pour la « popol ».
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