Le 16 janvier 1985, alors que de violentes émeutes anti-antidépendantistes ont conduit le gouvernement à déclarer l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, François Mitterrand est interviewé par une équipe d’Antenne 2 en direct depuis l’Elysée. Le chef de l’Etat laisse poindre son inquiétude sur la situation. « Est-ce que vous iriez jusqu’à aller en Nouvelle-Calédonie ? », l’interroge la journaliste Christine Ockrent. « Mais oui Madame, j’irai en Nouvelle-Calédonie, répond le président, à la surprise générale.
– Peut-on savoir quand ?
– Demain.
– Demain jeudi ?
– Demain jeudi. »
Près de quarante ans plus tard, Emmanuel Macron rejoue de manière subliminale la même scène. Il s’est envolé dans la soirée du mardi 21 mai pour Nouméa, huit jours après le début d’émeutes sur l’archipel, où six personnes ont perdu la vie et où l’état d’urgence a été décrété le 15 mai. L’annonce a été faite à l’issue du conseil des ministres, à la mi-journée, par la porte-parole du gouvernement, Prisca Thévenot.
Si l’effet de surprise est comparable à celui obtenu par son prédécesseur socialiste, cette visite a été, selon les sources du Monde, largement improvisée. Ainsi le président du gouvernement calédonien, Louis Mapou, a-t-il appris la nouvelle par la presse, à l’issue du conseil des ministres. Tout comme l’ensemble des élus locaux.
Le chef de l’Etat se rend en Nouvelle-Calédonie alors que « le retour de l’ordre républicain » qu’il appelait de ses vœux la semaine dernière est loin d’être constaté. Selon l’Agence France-Presse (AFP), Nouméa était toujours, durant la nuit de mardi à mercredi, le théâtre d’affrontements localisés, et les barrages se sont même étoffés ou ont été reconstitués par endroits. Plusieurs témoins ont fait état d’importantes détonations et d’affrontements. « L’île la plus proche du paradis est devenue l’île la plus proche de l’enfer », a soutenu, dimanche matin, Mgr Calvet, archevêque de Nouméa, dans son homélie de la Pentecôte. Le retour au calme « se poursuit sur l’ensemble du territoire », décrivait néanmoins, mardi, le représentant de l’Etat, Louis Le Franc.
Un « petit accord » qui a volé en éclats
Emmanuel Macron, accompagné des ministres Gérald Darmanin (intérieur), Sébastien Lecornu (défense) et Marie Guévenoux (outre-mer), passera la journée de jeudi sur place. Il s’agira de « renouer le fil du dialogue » politique et d’« anticiper la reconstruction » économique, a résumé, mardi, le premier ministre, Gabriel Attal, devant l’Assemblée nationale.
Empêtré dans le dossier néo-calédonien, président de la République s’est convaincu ces derniers jours qu’il n’aurait pas la majorité des trois cinquièmes au Congrès de Versailles sur le projet de loi constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres sur le Caillou. La crise à Nouméa, le changement de pied du Rassemblement national (RN) – qui se dit désormais favorable à un référendum sur l’autodétermination – ainsi que les déchirements de la majorité ont pesé sur sa décision de prendre en main toute l’affaire.
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