« En dissolvant l’Assemblée, Emmanuel Macron a voulu garder la main sur l’agenda, au mépris des dangers encourus »

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Julian Jackson est professeur émérite d’histoire à l’université Queen Mary de Londres. Fin connaisseur de l’Occupation et de la vie politique française, il a notamment écrit De Gaulle. Une certaine idée de la France (Seuil, 2019) et Le Procès Pétain. Vichy face à ses juges (Seuil, 480 pages, 25 euros).

Le général de Gaulle a dissous l’Assemblée nationale deux fois, en 1962 et en 1968. Peut-on rapprocher l’une de ces décisions avec celle prise le 9 juin par Emmanuel Macron de convoquer des élections législatives ?

Sur le plan politique, la comparaison ne tient pas vraiment. Evacuons d’emblée tout rapprochement avec 1968. La situation est alors sensiblement différente : de Gaulle n’a pas souhaité cette dissolution. Pour lui, la réponse à apporter aux événements de Mai était tout autre. C’est Georges Pompidou, son premier ministre, qui lui impose cette solution, en menaçant de démissionner. De Gaulle se laisse convaincre et ne sera pas le principal acteur de cette dissolution.

Lire aussi le décryptage | Article réservé à nos abonnés La dissolution, une arme à double tranchant

Il n’y a pas non plus de similitude avec la dissolution de 1962, puisque de Gaulle se trouve dans une situation en tous points opposée à celle d’Emmanuel Macron, un président impopulaire, mais dont la majorité à l’Assemblée, certes relative, tenait bon. Les choses se présentaient tout autrement pour de Gaulle. Il jouissait en 1962 d’un fort capital de sympathie, après l’attentat raté du Petit-Clamart en août. Ce qui ne l’empêche pas de perdre le contrôle de l’Assemblée en octobre. Celle-ci adopte en effet une motion de censure, parce qu’elle s’oppose à l’élection au suffrage universel du président de la République, souhaitée par de Gaulle.

Dans un tel climat, le Général voit bien qu’un moment de clarification s’offre à lui. Tandis qu’une grande partie de la classe politique cherche à lui faire barrage, il se saisit de l’occasion pour dissoudre l’Assemblée. Il l’emporte et s’assure une nouvelle majorité. Il parvient ainsi à affirmer sa conception de la Ve République.

N’y a-t-il pas néanmoins un rapprochement à établir ?

S’il y en a un, il relève de la psychologie politique. De Gaulle était habité par la volonté d’être au centre des débats, de créer l’événement plutôt que de le subir. Face à une situation difficile, il préférait toujours « jeter un pavé dans la mare aux grenouilles », comme il l’écrit dans ses Mémoires. Il disait également qu’il fallait savoir « bousculer le pot de fleurs ». Il estimait qu’il valait mieux être maître de son destin, quitte à prendre des risques parfois inconsidérés. Dans son livre Le Fil de l’épée [1932, Tempus Perrin], il compare « la maîtrise de soi du chef » au « sang-froid du joueur lorsqu’il élève les enjeux ».

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