En Normandie, les Afghans d’Argentan redoutent la vague brune

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Lorsque le coup de sifflet retentit, les onze joueurs de l’équipe de cricket d’Argentan (Orne) cavalent sur le terrain. Le lanceur prend son élan pour jeter la balle en cuir en direction du batteur. Un bruit sec résonne lorsqu’elle vient cogner la batte du joueur, sous les cris des supporteurs et de quelques curieux, alignés en bordure de la surface. Dans la commune, une soixantaine de réfugiés afghans sont arrivés progressivement depuis 2018.

Après avoir longtemps voté à gauche, la petite ville de quatorze mille habitants a basculé en faveur du Rassemblement national (RN) lors des élections européennes du 9 juin, avec 35 % des voix. Frédéric Léveillé, le maire socialiste, a toujours été en faveur de l’immigration et mis en avant l’exemple de l’intégration des Afghans : « Nous les connaissons depuis leur arrivée, nous leur avons ouvert les portes du stade en leur aménageant des horaires. Je prône l’accueil de ces réfugiés, je suis ferme sur cette question », précise ce fervent soutien du Nouveau Front populaire (NFP) pour les législatives.

Bandeau aux couleurs de l’ancienne République d’Afghanistan – noir, rouge et vert – autour de la tête, symbole fort d’opposition au nouveau régime, Ahmad Safi, le capitaine de l’équipe, ­distribue protections et casques à ses joueurs. A 21 ans, se concentrer sur son sport de cœur est une manière de mettre à distance un passé douloureux. « Jouer permet de guérir un peu nos traumatismes », lâche-t-il.

« Je sentais des regards lourds »

Au début du match, Bénédicte Richez embrasse chaque membre de l’équipe. Cette habitante de la commune jongle avec son ­travail d’infirmière à l’hôpital et son poste de professeure bénévole, avec l’association qu’elle a créée, Les mots du bout du monde. Passionnée par l’Afghanistan, la soignante est engagée auprès des réfugiés depuis des années. Pendant son temps libre, elle multiplie les allers-retours à Dunkerque, à Boulogne-sur-Mer ou à Calais pour effectuer des maraudes.

Très vite, elle accompagne Ahmad Safi dans la création du club. En février 2023, la mairie accepte de leur ouvrir le stade municipal une fois par semaine. « Comme ça, ils peuvent jouer légalement, sans que personne ne vienne les emmerder », précise Bénédicte Richez. L’équipe, aujourd’hui composée de vingt joueurs, s’est constituée petit à petit.

En 2021, Ahmad Safi arrive dans le village après un court passage à Paris, près de la porte de la Chapelle. Là, une assistante sociale lui parle d’Argentan en lui promettant une place dans un logement social. Ahmad accepte. Des joueurs de l’équipe, il a été le premier à venir s’installer dans la commune. Trois ans auparavant, d’autres réfugiés afghans y avaient déjà déposé leurs bagages à la suite de grandes tensions entre la communauté et des habitants du quartier de Perseigne, à Alençon, à une cinquantaine de kilomètres.

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