En Nouvelle-Calédonie, l’urgence d’un avenir

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Dévastation du cyclone Chido à Mayotte, révolte contre la vie chère en Martinique, lendemains incertains d’insurrection en Nouvelle-Calédonie… Parmi les multiples urgences qui s’imposent au gouvernement de François Bayrou, les outre-mer constituent probablement l’une des plus explosives.

Relativement éclipsé par l’émotion provoquée par le désastre humanitaire dont sont victimes les populations des îles françaises de l’océan Indien, le chaos qui règne sur celles de l’océan Pacifique vient de connaître une nouvelle dimension de politique locale avec le renversement, mardi 24 décembre, du gouvernement de Nouvelle-Calédonie présidé par l’indépendantiste Louis Mapou. Provoqué par des dissensions sur le financement de la reconstruction du territoire à la suite des émeutes du printemps, cet événement complique encore l’imbroglio consécutif à l’échec d’Emmanuel Macron à sceller un accord entre loyalistes et indépendantistes sur un nouveau statut parachevant l’accord de décolonisation de Nouméa de 1998.

Nouveau ministre des outre-mer, Manuel Valls se targue d’une expérience aux côtés de son mentor, l’ancien premier ministre Michel Rocard, sous l’égide duquel ont été conclus, en 1988, les accords de Matignon, puis aux côtés de Lionel Jospin, artisan de l’accord de Nouméa. M. Valls, qui, en novembre, reprochait à Emmanuel Macron « un entêtement imbécile, irresponsable et criminel » sur la question de la Nouvelle-Calédonie, paraît en position de mettre en œuvre une « nouvelle méthode », abandonnant les ultimatums présidentiels pour des discussions ne posant plus la redéfinition ultrasensible du corps électoral comme préalable à des avancées sur l’avenir institutionnel du territoire.

Il reste à savoir si le nouveau ministre d’Etat, même paré de la troisième place dans l’ordre protocolaire du gouvernement, et du titre de « personnalité un peu kamikaze » par François Bayrou, aura la hauteur de vue, la souplesse et la longévité suffisantes pour faire avancer un dossier qui, comme du temps de Michel Rocard, doit échapper à la personnalisation et être géré par les plus hautes autorités de l’Etat.

Ces derniers mois, le paysage néo-calédonien s’est quelque peu dégagé avec la décision du gouvernement Barnier de reporter au plus tard à la fin novembre 2025 les élections provinciales initialement prévues en mai 2024, afin de favoriser le dialogue après l’insurrection indépendantiste. Déclenchée le 13 mai, celle-ci a conduit à la mort de 14 personnes, mis à bas l’économie calédonienne et déchiré la société. Quant au projet de loi constitutionnelle destiné à réformer le corps électoral, que M. Macron avait cherché à imposer, il a été abandonné.

Mais l’équation néo-calédonienne s’est encore complexifiée avec la nécessité de financer la reconstruction et la relance économique d’un territoire que les émeutes ont mis à genoux, avec une baisse de 20 % à 30 % du produit intérieur brut, un tiers de la population active au chômage et une hausse des prix aggravant la pauvreté. Entre exigences matérielles, humaines et institutionnelles, entre urgence et inscription dans l’histoire de la décolonisation, les impératifs ne manquent pas et les dangers sont multiples. L’écoute mutuelle, l’attention aux populations et à leurs conceptions multiples du temps, la recherche d’un scénario pacifique sur les questions-clés de la souveraineté et de l’autodétermination doivent servir, pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, de fils conducteurs.

Le Monde

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