En outre-mer, le vote Rassemblement national (RN) a-t-il muté ? Il semblait jusqu’ici plutôt réservé aux scrutins présidentiel et européen, qui, depuis 2017 notamment, ont favorisé une expression de colère très forte. Dans des territoires marqués par un sentiment d’abandon du pouvoir central et, plus récemment, par un rejet épidermique d’Emmanuel Macron, le vote protestataire trouvait dans ce cadre sa pleine expression. Le parti de Marine Le Pen, identifié comme raciste, a toujours manqué d’ancrage local, particulièrement aux Antilles.
Mais pour le premier tour des législatives, il a présenté des candidats dans vingt-cinq circonscriptions sur vingt-sept. Et le scrutin pourrait marquer un tournant vers une logique de choix plus local, avec l’émergence d’une génération de candidats. Cette année, onze d’entre eux se situent au-dessus du seuil de qualification pour le second tour, du jamais-vu. La gauche (aux Antilles, en Guyane et à La Réunion) continue de bénéficier d’une forte prime aux sortants. A l’issue du premier tour, le 30 juin, la poussée du RN demeure contenue. Elle n’en reste pas moins réussie.
Son score à La Réunion a créé la surprise : tous ses candidats se sont qualifiés au second tour, dans les sept circonscriptions de l’île. C’est une première dans un scrutin, avec des figures locales qui attirent en moyenne 25 % des voix, y compris les candidats inconnus. Aux législatives de 2022, le meilleur avait réalisé un score de 13 %. Jusqu’à présent, le RN ne performait que lorsqu’il s’agissait de voter pour les deux chefs de file, Marine Le Pen (59,6 % au second tour de la présidentielle de 2022) et Jordan Bardella (31,7 % aux européennes de 2024, mais avec 73,6 % d’abstention).
« Beaucoup d’électeurs sont fâchés »
La députée sortante Nathalie Bassire, dissidente du parti Les Républicains (LR), qui siégeait au groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, n’a pas donné de consignes de vote pour le second tour, le 7 juillet. La seule élue réunionnaise de droite au Palais-Bourbon dit « maîtriser difficilement la colère des gens ». « Beaucoup d’électeurs sont fâchés. Ils disent que le gouvernement ne les écoute pas ou : “On a eu la gauche, on a eu la droite, il faut essayer autre chose” », rapporte-t-elle.
En février et en mars, deux personnalités de la droite locale, Jean-Jacques Morel, conseiller régional, et Jean-Luc Poudroux, ancien député LR et président du département, se sont ralliés au RN, à Saint-Denis et dans l’Ouest. Dans les hauts de l’île, où le parti d’extrême droite réalise ses scores les plus élevés, l’ancien délégué départemental, Joseph Rivière, personnalité peu connue, peut gagner dans la troisième circonscription.
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