Entre la droite et l’extrême droite, une longue histoire tourmentée

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L’adage est connu : l’histoire ne se répète pas, elle bégaie. Mardi 11 juin, Marine Le Pen a réalisé ce qui semblait impossible jusqu’alors : un accord national avec Les Républicains (LR) – du moins avec le président du parti, Eric Ciotti – avant les élections législatives des 30 juin et 7 juillet. M. Ciotti a agi contre l’avis du reste de la direction de son parti, entraînant une crise sans précédent. Il affirme que 70 ou 80 candidats LR « seront soutenus par le Rassemblement national ». En position de favori, le Rassemblement national (RN), héritier du Front national (FN), dont l’une des matrices était le rejet de Charles de Gaulle, vient de faire imploser le parti issu du gaullisme.

Pour beaucoup de ténors de la droite, à l’image de Valérie Pécresse ou de Xavier Bertrand, M. Ciotti trahit l’héritage de Jacques Chirac et son « cordon sanitaire », mis en place dans les années 1980, qui empêchait tout accord entre la droite parlementaire et l’extrême droite. Voire. Car l’histoire du FN et du RN avec la droite est celle d’une relation tourmentée faite de transfuges d’un camp à l’autre mais aussi d’approches et d’unions avortées. Ironie politique : l’émergence médiatique du FN est même due à un accord, conclu il y a un peu plus de quarante ans, entre le RPR (ancêtre de LR) et le FN.

En 1983, à Dreux, une élection municipale met la lumière sur le FN, alors groupuscule d’extrême droite, qui avait été incapable de présenter son leader, Jean-Marie Le Pen, à la présidentielle de 1981. Le secrétaire général du parti, Jean-Pierre Stirbois, laboure le terrain de cette commune d’Eure-et-Loir. Contre la maire socialiste, Françoise Gaspard, le FN fait liste commune avec le RPR. La gauche l’emporte de justesse, mais le scrutin, entaché d’irrégularités, est annulé. Pour la nouvelle élection, RPR et FN font listes séparées au premier tour mais s’entendent pour une fusion au second. Tollé général, mobilisation des artistes et des intellectuels. Sans effet notable : la liste RPR-FN gagne la mairie. Cet évènement restera connu chez les lepénistes comme le « tonnerre de Dreux ».

Accords locaux

A droite, certaines voix se font entendre pour critiquer l’accord, comme celles du gaulliste Jacques Chaban-Delmas et de la centriste Simone Veil. Mais, Jacques Chirac, lui, ne condamne pas la démarche, dans un pays où le gouvernement de gauche compte des communistes. « Je n’aurais pas du tout été gêné de voter au second tour pour la liste [RPR-FN], déclare ainsi Jacques Chirac, alors président du RPR, une semaine après l’élection. Cela n’a aucune espèce d’importance d’avoir quatre pèlerins du FN à Dreux, comparé aux quatre communistes au conseil des ministres. » Dans leur Histoire du Front national (Tallandier, 2014), Dominique Albertini et David Doucet notent que, « dans un contexte marqué par la guerre froide, et surtout par les récentes déculottées électorales de la droite, le sentiment de Chirac n’est pas marginal. Le secrétaire général du Parti républicain, François Léotard, adresse ainsi ses très vives félicitations [au nouveau maire de Dreux] ».

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